Visite du président de la République lors de la crue de 1910
Visite du président de la République lors de la crue de 1910 : essentiel d’être vu dans les quartiers inondés
Lors de la crue de 1910, la situation était très critique pour Paris (tout comme en banlieue ainsi que toutes les régions parcourues par la Seine). On ne comptait plus les quartiers dévastés, les immeubles vidés de leurs occupants.
Il était donc très important pour les autorités de montrer qu’elles étaient sur le pied de guerre. Sur le front. Ainsi, Armand Fallières, président de la République, se rendit le 29 janvier, le jour du pic dans les quartiers inondés du Gros Caillou et de Grenelle.
Départ un peu ubuesque !
Le lendemain de la visite, le Petit Parisien fit un long compte rendu de la visite. Important de bien relayer ces attentions.
« L’automobile du président, après avoir traversé les Champs Elysées et le pont Alexandre III, s’est engagée sur la place des Invalides, transformée en lac, et baignant jusqu’au trois quarts des roues, a franchi ce premier obstacle sans incident. Peu après, la voiture s’arrêtait au boulevard la Tour Maubourg, à l’intersection de la rue Saint Dominique.
Cette rue, et celles avoisinant sont transformées en rivières et M. Armand Fallières avait décidé d’aller les explorer en bateau, pour se rendre compte de la situation des habitants. »
Le Matin donne un peu de plus de détail sur les modalités du départ
« A deux heures moins le quart, voici M. Briand, qui se dirige à pied vers l’Elysée. Presque immédiatement, c’est l’automobile du préfet de police.
A deux heures très exactement, M. Fallières monte dans sa limousine. M. Briand est à sa gauche. M. Ramondou, en face, ainsi qu’un officier d’ordonnance. M. Lépine, lui, est tout seul dans sa voiture couverte. Le préfet de police a chaussé ses bottes de pompier ; il a relevé le col de son pardessus, car il fait froid, et de petite badine blanche, il indique au chauffeur de le chemin à suivre.
Quelques automobiles de journalistes s’élancent et cela fait un convoi de cinq voitures qui bravement toutes ensemble, se touchant presque, abordent l’esplanade des Invalides couverte d’eau. L’hésitation est de courte durée. Les moteurs protestent, ralentissent, mais fonctionnement tout de même.
Bravo, clame la foule, tandis que les agents saluent les automobiles ruisselantes. »
Arrivée au Gros Caillou
Le Petit Parisien reprend son compte rendu.
« Reçu par MM. Spronck, député, Joseph Ménard, conseiller municipal, Risler, maire de l’arrondissement et Lépine, préfet de police, le président a pris place dans un canot automobile, obligeamment mis à disposition du comité de secours par un habitant du quartier, M. Auphélie.
Au moment où le canot démarrait, le chauffeur perdant l’équilibre, est tombé à l’eau ; mais, bien que mouillé des pieds à la tête, il a repris sa place à la barre.
Le président et sa suite se sont engagés dans les « canaux » et ont ainsi visité les rues Saint Dominique, Surcouf, de l’Université. Aux fenêtres, garnies des habitants qui n’ont pas encore quitté leur domicile, on saluait le chef de l’Etat, tandis que les soldats du génie, saluaient militairement le président. Le tiers de cet arrondissement est submergé.
Fallières a interrompu cette première visite à la rue Cler, et après avoir reçu les remerciements des élus et de la municipalité de l’arrondissement, a repris en voiture sa route vers Grenelle. »
Un habitant dans sa baignoire
De son côté, les journalistes du Matin évoquaient quelques anecdotes :
« Nous manquons de nous aborder avec un original qui se promène doucement dans sa baignoire, sous laquelle il a attaché deux madriers. Il nous salue ; nous lui rendons son salut, tandis que les habitants qui sont tous aux fenêtres, rient, amusés. »
« Au moment de rentrer, le mécanicien qui est à genoux à l’arrière du canot présidentiel glisse et tombe. Il se raccroche et se hisse de nouveau à bord. Personne n’a bougé, car personne dans le bruit ne s’est aperçu de rien. »
Puis départ vers le quartier de Grenelle
Continuons avec le Petit Parisien
« Par l’avenue La Motte Piquet et la rue du Commerce, submergée, et le président traverse la foule nombreuse pour aller s’embarquer dans un bachot conduit par des pontonniers. M. Lépine présente au chef de l’Etat, le lieutenant qui commande l’escorte.
« Je suis heureux, dit-il, monsieur le président de vous présenter le lieutenant Luquet, du 6e génie, qui nous a rendu, hier, les plus grands services, avec ses hommes, à l’hôpital Boucicaut. Grâce à lui, quatre cents malades ont pu être sortis, en moins de cinquante minutes. »
Le président tend la main à cet officier et lui adresse des remerciements ; puis il s’embarque à bord du bateau à fond plat mis à sa disposition, et visite la rue de la Convention, l’avenue Felix Faure, le passage Duranton, longe les murs de l’hôpital Boucicaut, la rue de Loumel, et là, changeant de moyen de locomotion, prend place dans un break conduit par des pompiers, pour revenir au débarcadère de la rue de la Convention. »
Le Matin complète :
« Quai de Javel, l’eau est trop peu profonde pour permettre aux lourdes embarcations du génie de passer. Force nous est de monter dans des chariots que conduisent des pompiers. L’eau a tout envahi, et penchés à leurs fenêtres, les habitants attendent le passage des convois de ravitaillement.
Silencieusement, le président regagne son automobile, les vêtements couverts d’eau et de boue.
Retour à l’Elysée
« A son arrivée sur la terre ferme, M. Fallières est acclamé par les assistants. Le président reprend la route de l’Elysée en passant de nouveau sur l’esplanade des Invalides où l’automobile présidentielle fait la queue derrière les voitures embourbées dans le lac qui s’est formé sur cette place.
Ajoutons que le président de la République et Mme Fallières ont décidé de reporter à une date ultérieure la réception qui devait avoir lieu à l’Elysée mercredi prochain 2 février. »