Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires au détour d'une rue

La rue de la Pépinière prise par le danger de la crue de 1910

La rue de la Pépinière prise par le danger de la crue de 1910 : risque d’excavation puis véritable inondation

 

Bien que difficile à nous l’imaginer, le quartier autour de la Gare Saint Lazare fut sévèrement touché par la crue de 1910. Les rues autour de la gare étaient totalement submergées. On craignait pour les immeubles. Des trous se formaient dans la chaussée et les trottoirs. Entre la gare et Saint Augustin, la rue de la Pépinière fut également concernée !

 

La crainte des excavations

Situé sur le trajet de l’ancien égout médiéval, le sous-sol du quartier vu se déverser des quantités faramineuses d’eau. Cela se traduisit par de très fortes pressions par les infiltrations. Le sol risquait de s’effondrer à tout moment.

 

Dans ses colonnes du 27 janvier, le Matin explique ce qui se jouait alors :

« Lorsque le soir tomba, les piétons se trouvèrent repoussés, d’une part, à la hauteur de la rue Mogador, dans la rue Saint Lazare ; d’un autre côté, au-delà de la rue de Provence ; enfin, plus loin, à la caserne de la rue de la Pépinière. D’un moment à l’autre, la chaussée pouvait, sous la poussée des eaux s’entr’ouvrir et s’effondrer. Des ordres rigoureux éloignaient les curieux. »

 

Il fallait que tous quittent les lieux !

 

Le lendemain, la situation continua à se dégrada, ainsi que l’indique le Parisien du 28 janvier :

« Des précautions spéciales sont prises à l’angle des rues de Rome et de la Pépinière.

Tous les véhicules doivent passer au bas et longer les immeubles le plus possible, de façon à éviter que les poids lourds et les vibrations ne se fassent sentir sur le milieu de la chaussée. »

 

Ainsi, on pouvait circuler à pied, mais tout ce qui était lourd était dangereux !

 

Un effondrement se produit

Ce qui devait arriver arriva. C’est en tout état de cause ce qu’on comprend en parcourant le Matin du 28 janvier

« Sous la pression des eaux souterraines, les plaques des trottoirs se soulevaient, ouvrant des trous, au fond desquels on entendait très nettement l’eau gronder.

Devant un établissement de bouillon situé à l’angle de la rue de la Pépinière et devant le restaurant Scossa, une partie du trottoir s’est effondrée. »

 

Fermeture de la circulation :

Pour limiter les accès de ce côté-là, on ferma les accès de la Gare Saint Lazare à proximité :

« Les grilles donnant accès cour de Rome, par la rue du même nom et la rue de la Pépinière, ont été fermées de telles sortes que le public et les voitures n’ont plus que deux issues à leur disposition de ce côté »

 

Puis on rajouta des barrages :

Des barrages seront établis rue de la Pépinière, rue de Rome, rue d’Amsterdam, rue du Havre. Des agents des arrondissements voisins sont requis pour venir renforcer le service d’ordre, et M. Touny demande au gouverneur de Paris un piquet de trois cents hommes d’infanterie.

 

Arrivée de l’inondation

La Seine continuant de monter, le niveau des eaux dans les sous-sols suivaient sa hauteur. Ainsi, le 28 janvier, dont nous disposons d’un compte rendu dans les lignes du Matin du 29 janvier, la rue de la Pépinière fut à son tour inondée :

 

« Sans discontinuer, de nombreuses pompes à vapeur en batterie dans la cour de la gare, dans les rues Saint Lazare, de Rome et de la Pépinière, rejettent à flots l’eau des égouts qui a envahi les gares.

Le cortège se dirige vers l’extrémité de la cour de Rome devenue embarcadère, et pieds nus, les manches retroussées, les braves gens s’élancent dans leurs embarcations qui disparaissent à l’horizon, vers la haute mer des rues de l’Arcade et de la Pépinière !

L’eau s’élance libre, accourue des égouts par les chantiers de la place du Havre et du carrefour Pépinière Rome »

 

Comme on le constate, c’est d’abord par le jeu de l’évacuation d’eau dans les sous-sols de la gare que la rue fut inondée.

 

Le Petit Parisien complète :

« L’eau qui avait commencé dans la nuit de jeudi à vendredi à sourdre devant l’hôtel Terminus continue depuis ce moment son mouvement ascensionnel, recouvrant petit à petit la chaussée du bas de la cour de Rome, tout le carrefour qui s’étend à cet endroit, gagnant ensuite les rues Saint Lazare, de la Pépinière, du Havre, le boulevard Haussmann…

Au fur et à mesure que la masse liquide s’élève, des fissures se produisent sur la voie publique, des éboulements surviennent et font craindre que chaussées et trottoirs se s’effondrent complètement »

 

Un décor de ténèbres

« Les ténèbres vinrent ajouter leur note de deuil au décor si tragique.

Les boutiques de la rue du Havre, privées de lumière, fermèrent les premières, ainsi que de nombreux magasins du boulevard Haussmann. Les cafés, restaurants, tous les établissements enfin de la rue de Rome, de la rue de la Pépinière et des voies environnantes durent bientôt suivre cet exemple. Ce fut la désolation la plus complète. »

 

Sources bibliographiques :