Histoires de Paris

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Repères

La représentation des faux mendiants et de la fausse pauvreté

La représentation des faux mendiants et de la fausse pauvreté : construction historique entre les XVe et XIXe siècles

 

Dans son article publié en 1974, l’historien Roger Chartier revient sur la représentation des élites des pauvres entre les XVIe et XVIIe siècle. Au travers de cette publication, ce regard est intéressant pour étudier la perception de la cour des miracles et de ses récits.

En effet, il évoque alors une monstruosité pour le français du XVIe ou du XVIIe siècle : les faux mendiants

 

Une des causes de monstruosité d’Ambroise Paré : la fausse mendicité

Le célèbre chirurgien du XVIe siècle, Ambroise Paré, évoqua largement une description des monstres, inspirée notamment de ses connaissances en médecine mais aussi des idées de son temps.

Dans le 25e livre de ses Œuvres, paru en 1585, il revient sur une typologie de monstre : les « méchants gueux de l’ostière ». Il y décrit, en effet, la monstruosité des faux mendiants. Ainsi, ces actions humaines faisaient partie d’une des causes du monstre, avec celles surnaturelles et physiologiques. Il revient d’ailleurs sur les différentes ruses que les faux mendiants pouvaient avoir.

Il insiste ainsi sur les trucs et astuces pour mimer une blessure, voir s’accaparer un bras ou une jambe d’un pendu.

 

Le Jargon de l’Argot

En outre, pour décrire ces faux mendiants, deux éléments essentiels furent posés : le langage secret et leur organisation.

Le Jargon de l’Argot, livre largement diffusé au début du XVIIe siècle, prend en charge ce récit. La langue y avait une importance singulière. En effet, l’argot ressemblait suffisamment en français pour qu’on puisse en citer quelques mots, et en différer également pour que les élites se figurent ne pas la comprendre.

 

La description par Henri Sauval

Dans son récit sur la cour des miracles, Henri Sauval revient sur les modèles d’organisations que les parisiens du XVIIe siècle connaissaient bien : le modèle corporatif et celui monarchique. Le premier est donné pour l’organisation des coupeurs de bourses, avec leur chef d’œuvre. Le second correspond aux argotiers et leur grand coësre.

A noter qu’à Paris au milieu du XVIIe siècle, cette représentation était largement partagée. En effet, ces deux descriptions sont présentes dans la délibération du Conseil de réformation de la police en 1667.

 

qui reprend plusieurs écrits antérieurs :

Les catalogues des faux mendiants

Le Liber vagatorum pose le catalogue des faux mendiants, comme l’indique Roger Chartier dans son article. Apparu dans le Saint Empire Germanique entre les XV et XVIe siècle, il pose 28 catégories des mendiants et des vagabonds. On y retrouve d’ailleurs un langage secret.

Ce genre se poursuit ensuite en Italie avec Il Vagabondo de Rafaele Frianoro, traduit en français en 1644. La préface de la traduction reprend également la filiation entre ces œuvres.

 

L’image du rapt d’enfants par une communauté avec son propre roi

Par ailleurs, ce récit arrive dans un Paris qui disposait d’une rumeur ancienne. Au milieu du XVe siècle, on évoquait des enlèvements d’enfants qui étaient ensuite mutilés. On la retrouve d’ailleurs dans le Journal du Bourgeois de Paris.

Rapidement, on parle d’une communauté qui s’était spécialisé dans ces rapts. Elle était dirigée par un roi des gueux.

C’est ce roi qu’on retrouve décrit dans le Jargon de l’Argot mais aussi dans la Vie généreuse des mercelots, gueux et bohémiens. A noter que ce second ouvrage fut édité plusieurs fois à Paris entre 1603 et 1622. Le Jargon arriva ensuite, à partir de 1630. Cependant, il se vendit plus longtemps, jusqu’au milieu du XIXe siècle, s’enrichissant de nouveaux mots au fil des années.

Alors, la hiérarchie des officiers des argotiers est totalement posée et peut être reprise par Henri Sauval.

 

Pour ce finir cet article, nous reprendrons les mots de conclusion de l’historien Roger Chartier, évoquant ces représentations de la fausse pauvreté : « Si elles ne créent ni les pauvres ni les mendiants, elles introduisent pour les désigner les critères de la marginalité. »

 

Sources bibliographiques