Le quartier de Grenelle ravagé par la crue de 1910
Le quartier de Grenelle ravagé par la crue de 1910 : même très loin de la Seine, les ouvriers doivent fuir !
Dans le quinzième arrondissement, le quartier de Grenelle est une vaste zone allant de la Seine, vers Cambronne et au sud du passage du boulevard de Grenelle.
En 1910, le quartier était très populaire, occupé par nombre d’ouvriers des usines des alentours. Il fut très touché par la crue de 1910.
A partir des journaux de l’époque, revenons sur cette histoire.
Inondation au-dessus du quai de Grenelle
Situé dans la partie en aval de la Seine traversant Paris, le quartier de Grenelle n’est pas autant protégé des quais que des espaces plus proches du cœur de la capitale. En outre, cette rive présente une zone de faiblesse très forte : la ligne de chemin de fer venant des Invalides et longeant le fleuve. Aussi, comme c’est encore le cas aujourd’hui, dès que le niveau de la Seine, l’eau envahit la ligne.
Seulement, en 1910, la Seine monta tellement que rapidement, on ne put plus faire la distinction entre le trajet du train et celui du fleuve.
Ensuite, l’eau passa au-dessus des quais, envahissant tout le quartier.
Ravage dans ce quartier populaire
Après avoir dépassé le quai, la Seine ne s’arrêta pas de monter. Aussi, plus les jours passaient, plus elle envahissait d’autres rues.
Le 27 janvier, le Petit Parisien rapporte :
« Plus loin, la Tour Eiffel dépassée, c’est Grenelle, avec ses usines arrêtées, ses chantiers abandonnés, toute la désolation dans la cité laborieuse ravagée. Sur le quai de Grenelle, de la rue Rouelle à la rue des Usines, depuis huit heures, hier matin, on circule en barque. Des ouvriers, des femmes qui sont contraints au chômage se sont vus dans l’obligation d’évacuer leurs logements. »
Le journaliste poursuit en titrant un paragraphe : « La désolation à Grenelle »
« Dans le quartier de Grenelle, c’est la désolation. L’eau gagne toujours du terrain : la place Beaugrenelle est inondée, ainsi que les rues Linois et des Entrepreneurs.
Rue Leblanc, l’eau jaillit abondamment par toutes les ouvertures des égouts et une crevasse a rompu l’asphalte du trottoir.
Le niveau s’élève également d’heure en heure sur le quai et le boulevard de Grenelle, rue du Théâtre, rue Rouelle, rue des Usines et rue Saint Charles où fonctionnent un service de bachotage et des transports par tombereaux. »
Un nombre tellement vertigineux de sinistrés
Comme l’eau va si loin en profondeur, c’est toute une ville qui doit partir. Le Petit Parisien du 30 janvier 1910 évoque ce quartier de « Grenelle où la population ouvrière a le plus souffert ».
Le journaliste continue : « La nuit dernière encore, faut de matelas ou de couvertures que l’on n’avait pas eu le temps de se procurer, des femmes, des enfants ont dû dormir sur la planche.
Les salles des mairies, des écoles, jusqu’aux postes de police ont dû, à l’improviste, être transformés en dortoir. Toutes ces malheureuses se sont réveillées meurtries, courbaturées, transies de froid. Beaucoup d’entre elles sont tombées malades et ont été dirigées sur les hôpitaux ou sur l’infirmerie des Invalides, mise à la disposition de la Société française de secours aux blessés. »
Il faut alors trouver des solutions d’urgence.
« Le sous-secrétaire d’Etat a pris une décision aux termes de laquelle les employés et les ouvriers de la Guerre, empêchés par l’inondation de se rendre à leur travail, continueront à toucher leurs salaires. On envisage en outre la possibilité de leur attribuer des secours.
Dans plusieurs rues qui sont demeurées indemnes, des soupes populaires vont être organisées, sous le contrôle des agents. Ceux qui sont sans travail et sans ressources pourront, en plus des secours qui leur seront alloués, venir, matin et soir, s’y réconforter. »
Un lieu de crainte
A ce moment-là, le danger vient de partout : des rues voisines apportant de l’eau, du sol qui peut s’effondrer à tout moment, du ciel où peut tomber des ruines.
Sur ce dernier point, le Matin du 30 janvier 1910 décrit ce fait divers :
« Une cheminée en briques de vingt cinq mètres de hauteur, située 27, avenue Emile Zola, menace de s’écrouler. Par suite, les trente sinistrés qui s’étaient abrités au siège du patronage de la Jeunesse ouvrière de Grenelle, situé 29, avenue Emile Zola, ont dû être évacués et placés dans plusieurs maisons du directeur du patronage. »
Sources bibliographiques :
- Le Petit parisien du 27 janvier 1910
- Le Petit Parisien du 30 janvier 1910
- Le Matin du 30 janvier 1910