Le quartier de la Gare inondé par la crue de 1910
Le quartier de la Gare inondé par la crue de 1910 : face aux périls, les habitants fuient leurs appartements.
Situé entre le pont national et le pont de Bercy, le quartier de la Gare, sur la rive gauche, accueille la Seine lorsqu’elle rentre dans Paris. C’est un espace totalement différent à celui qu’on connait aujourd’hui, qui fut ravagée par la crue de 1910. A cette époque, point de Grande Bibliothèque, point d’espace pour l’Université Paris Diderot. C’était un espace industriel, ouvert sur le fleuve.
Premier impact de la crue : arrêt des usines proches du fleuve
En 1910, le quai de la Gare démarrait au niveau du pont national. Cette partie fut ensuite renommée quai Panhard et Levassor. Au début du quai, une usine, dont le bâtiment est encore debout, produisait de l’air comprimé. Ici, on mettait sous pression cet air, qui servait dans dans tout Paris à faire fonctionner les horloges pneumatiques publiques, tout comme de nombreux ascenseurs.
Mais l’usine était toute proche du fleuve.
Le soir du 22 janvier 1910, alors que la Seine est en crue depuis 4 jours, les eaux envahissent véritablement cette usine. L’activité s’arrête brutalement… bloquant les horloges publiques à 10h53.
Incursion du fleuve dans les parties basses des rues
Mais la Seine continuait de monter. Aussi, dans ses colonnes du 25 janvier 1910, le journal Radical écrit :
« A partir du pont de Tolbiac, les berges et quais sont envahies par les eaux qui gagnent sans cesse, arrêtées parfois par les maisons, dont elles ont envahi les sous-sols et les rez-de-chaussée.
La solidité de plusieurs de ces immeubles est compromise. »
Rapidement, des passerelles, pour permettre aux habitants de circuler, sont installées « le long des quais de la Gare, de la rue Watt », mais aussi, dans « les parties basses des rues du Chevaleret et du Loiret ». Ce système est rapidement dépassé : « ; l’autre nuit, le fleuve a submergé les passerelles, et c’est par bachot que les communications sont assurées »
Evacuation de nombreux immeubles.
On rapporte des évacuations dans les zones les plus touchées. La Lanterne signale :
« Les numéros 8, 10, 12, rue du Chevaleret ont été envahis par l’eau, à six heures du soir. Les pompiers ont été requis pour faire sortir les habitants ». Le Radical complète aussi pour les numéros « 9 et 15 de la rue du Loiret »
Et un désastre qui s’étend…
La situation est alors beaucoup plus compliquée. En effet, la Seine continue de monter et les nouvelles n’annoncent toujours pas de décrue.
Le Matin du 26 janvier fait un point de situation dans le quartier de la Gare inondé :
« Sur la rive gauche, le quai de la Gare continue à être la proie des eaux. D’heure en heure, le désastre s’étend. Dans la matinée, la rue de Bellièvre était envahie par le flot montant sur une longueur d’une centaine de mètres. Lentement, l’eau continuait sa marche ascendante. A la nuit la rue devenait un canal impraticable.
Partout on établit des passerelles… et c’est une lutte incessante où l’industrie de l’homme est vaincue sans relâche : dés qu’un passage est établi, l’eau montante le submerge ou l’emporte. Il faut entamer un nouvel effort !
Au carrefour des rues Cantagrel, du Chevaleret et du Loiret, l’eau atteint 65 centimètres. On ne peut plus accéder à la gare Orléans Ceinture par la rue Regnault. »
Des scènes de débandades :
Le lendemain, le même journal continue :
« Dans le treizième arrondissement, les locataires fuyaient les maisons, 31, 33 et 37 rue du Chevaleret, décidément inhabitables ; l’inondation se propageait dans la matinée rue de Bélièvre, rue Fuiton, rue Sauvage et pour partie et pour partie rue de la Gare, 11, 13, 15, rue Watt, on opéra, dans des baquets, le déménagement de vingt sept locataires. »
En outre, les installations dans les rues commençaient à se dégrader :
« Quai de la Gare, un service de bachotage avait été organisé. Il fut interrompu par l’effondrement de piles de bois. Et tandis que le sol du boulevard de la Gare s’enfonçait, la maison n°89, du quai de la Gare, inspirait les plus sérieuses inquiétudes.
Cependant, rue du Chevaleret, un péril nouveau menaçait : l’envahissement d’un point où sont des dépôts de machines, des écuries, d’importants chantiers. Avec frénésie, une équipe s’employa à dresser un barrage de pierre, un mur qui détournerait les eaux. »
Le journaliste rapporte également le cas de cette pauvre vieille dame, qui dut être évacuée deux fois, rattrapée par le fléau.
Dans cette même rue, il y eu une scène désolante. Une femme de soixante dix neuf ans, à demi morte d’émotion, avait été transportée avant-hier chez des parents. Hier, on s’aperçut que l’immeuble menaçait ruine. Et on emporta encore une fois la pauvre vieille, épouvantée de cette fuite dans l’eau, à travers tout un quartier bouleversé.
Sources bibliographiques :
- Le Radical du 25 janvier 1910
- La Lanterne du 26 janvier 1910
- Le Matin du 26 janvier 1910
- Le Matin du 27 janvier 1910
- Le Petit Parisien du 27 janvier 1910