Promenade parisienne dans les collections d’Albert Kahn
Promenade parisienne dans les collections d’Albert Kahn : entre persistance et transformation d’une capitale.
Alors même que le nouveau Musée départemental Albert Kahn est en cours de constitution, la Cité de l’Architecture et du Patrimoine propose entre le 16 septembre 2020 et le 5 juillet 2021, une promenade parisienne dans les collections d’Albert Kahn.
C’est ainsi un voyage dans le Paris entre 1910 et 1937 qui nous est accessible grâce aux nombreuses prises de vues réalisées alors dans le cadre du projet Archives de la Planète.
Albert Kahn et les Archives de la Planète
Installé à Boulogne Billancourt, Albert Kahn fut un banquier prospère et se fit connaître par son grand projet philantropique les Archives de la Planète.
Né près de Saverne en 1860, il rejoint Paris à l’âge de 16 ans, impliquant pour lui d’obtenir une autorisation d’émigrer après l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace.
Il démarre sa carrière dans la Banque Gouchaux et compagnie, avant d’en devenir le principal associé. Kahn s’était spécialisé dans les investissements financiers très éloignés (Afrique, Asie…), impliquant pour lui une ouverture large à l’international.
Rapidement, profitant de son immense fortune, il se lance dans un vaste projet : les Archives de la Planète. Il s’agit ni plus ni moins de réaliser des prises de vue dans un grand nombre de régions du monde, utilisant les nouvelles techniques en place, que ce soit la photographie ou les enregistrements vidéos. Véritable leg conservé par le Musée départemental Albert Kahn à Boulogne Billancourt, les Archives de la Planète représentent plus de 70 000 autochromes, des centaines d’heures de films…
Alors même que les Archives de la Planète enregistrent le lointain, elles s’intéressent aussi au tout près. Ainsi, Albert Kahn fait prendre de nombreuses prises de vue à Paris. Il n’est bien sûr pas le premier à le faire, mais il constitue un véritable corpus nous permettant de replonger dans le Paris de l’entre deux Guerres.
N’imaginez pas notre banquier se promenant avec son matériel photographique à la manière d’un Eugène Atget ! Albert Kahn délégua cela. Aussi, il s’entoura tout d’abord d’un géographe spécialiste du fait urbain, Jean Brunhes. Il revenait à ce dernier de mandater un nombre important de photographes dans tout Paris.
Persistance et mouvements d’une ville
En déambulant dans les espaces de l’exposition, ce qui frappe en premier abord c’est la persistance de cette ville. Ces années-là, les grands travaux haussmanniens sont globalement achevés, même si le boulevard Haussmann est inauguré en 1926. Aussi, dans le centre de Paris, l’architecture que nous connaissons encore aujourd’hui sont bien présents dans les images. Les paysages urbains classiques ont totalement reconnaissables, que ce soit les bords de la Seine, les boulevards, mais aussi des statues emblématiques comme celle de la Nation.
Alors même que Paris avait au centre de la modernité et des mouvements dans la seconde moitié du XIXe siècle, elle s’éloigne des transformations urbanistes que connaissent à ce même moment d’autres métropoles dans le monde, New York, Londres et Berlin en particulier. Cela n’empèche pas les prises de vue en hauteur que ce soit sur la Tour Eiffel et l’Arc de Triomphe.
En tout état de cause, les Archives de la Planète favorisent ce que l’on appelerait aujourd’hui un inventaire patrimonial de la ville. On peut s’arrêter devant le Palais Bourbon, la Madeleine, la Sorbonne, l’Opéra…
Après, bien sûr, cette ville vit avec les évolutions de son temps. Les fiacres sont en retrait et les modes de circulations évoluent. L’automobile continue son implantation, remplaçant de plus en plus les moyens de locomotion à cheval.
Prise de vue de quelques lieux disparus
Rien n’a changé depuis ces année-là ? C’est évidemment un peu trop fort pour le dire. Les photographes réalisèrent quelques prises de vue en haut de la grande roue installée pour l’Exposition de 1900 sur l’avenue de Suffren, dans le quartier qui deviendra ensuite le quartier Suisse.
La préoccupation hygiéniste est en cours à l’oeuvre à cette période. De nombreux quartiers sont déclarés insalubres et font l’objet d’un suivi spécifique, amenant à la destruction de ces logements. Dans son approche intéressé par le fait social, Albert Kahn fait représenter ces endroits, vestiges d’un Paris encore réticent à la modernité. Pas pour très longtemps par la force des choses.
A la fin de l’exposition, le parcours s’intéresse aux périphéries de la ville. On peut y voir la destruction du mur d’enceinte de Thiers. On construit alors à la place cette couronne de logements bon marché. Dans certains endroits, les portes de la capitales sont le terrain de nombreux jardins potagers ouvriers.
Témoignages de la vie parisienne d’alors
Comme pourraient le faire des journalistes de périodiques locaux ou des documentaristes, les photographes des Archives de la Planète couvrent les différentes manifestations de la vie courante parisienne. Ils prennent des images de différentes fêtes populaires, comme les bals du 14 juillet, le Carnaval et les élection de la reine des reines.
Les lieux de spectacles sont aussi au centre de leur attention. Ainsi, au-delà du Moulin rouge et des cabarets, c’est l’occasion de montrer les devantures des salles de spectacles tout comme les cinémas avec leurs nombreuses affiches.
Sources bibliographiques :
- Catalogue de l’exposition “Paris 1910 – 1937. Promenade dans les collections Albert Kahn”. Paris. Liénard Edition 2020
- Illustrations : images issues des Collections d’Albert Kahn