Le petit bras de la Seine lors de la débâcle de 1880
Le petit bras de la Seine lors de la débâcle de 1880 : quand le calme habituel se transforme en vrai piège …
Tout d’abord, pour commencer, qu’est-ce qu’est le petit bras de la Seine ? Appelé aussi le bras de la Monnaie, il sépare la rive gauche (le quartier Saint Michel notamment) de l’île de la Cité. Par opposition au grand bras de l’autre côté de la Cité, il est beaucoup plus étroit. Pour cette raison, c’est lui qui accueillit le premier pont sur la Seine et avait une activité fluviale un peu réduite.
Toutefois, cette différence de taille eut un effet comme nous allons le voir lors de la débâcle de 1880.
Le bras de Seine qui avait été gelé le premier !
Ainsi que nous le lisons dans le Petit Journal du 7 décembre 1879, le petit bras de la Seine est le premier à être totalement pris en glace. Les températures glaciales qui règnent depuis quelques jours ont eu raison de l’eau liquide.
« Le petit bras de la Seine, depuis le Pont au Change jusqu’au pont de l’Archevêché, est pris. Les gamins commencent à y essayer leurs patins. »
De fait, rapidement, on doit prendre des mesures comme le rapporte le Petit Journal du 10 décembre !
« Le petit bras de la Seine est toujours pris ; mais les mariniers et les bateliers, dont les bateaux y stationnent, ont reçu l’ordre de rompre la glace, de crainte d’accidents. Cette sage mesure cause un réel désappointement aux nombreux gamins, qui y avaient installé leur camp général. »
Et celui qui dégèle le plus tardivement
Puis à la faveur du redoux et du fait que les températures repassent au-dessus de 0°C à la toute fin de décembre, le dégel s’amorce avec la nouvelle année. Pour la Seine, qui avait été totalement prise en glace, la débâcle s’annonce.
Tout comme il avait été le premier à prendre en glace, le petit bras est le premier à dégeler. A cet effet, les lecteurs du Petit Journal du 5 janvier 1880 pouvaient apprendre :
« Seul, le petit bras de la Seine était resté gelé, à l’exception de l’espace situé entre le petit pont et le pont Saint-Michel ; mais, dans l’après-midi, l’aspect y a changé. »
Le journaliste poursuit :
« Où le spectacle était le plus effrayant pendant l’après-midi, c’était dans le petit bras de la Seine entre le Pont-au-Change et le Pont-Neuf. C’est là que se mettent en garage, pendant l’hiver, plusieurs établissements de bains ; il y avait, en outre, depuis la gelée, un grand nombre de péniches. »
Un petit bras très touché par la débâcle
Du fait de sa position calme, le petit bras était le lieu idéal pour stationner des bateaux lors de l’hivernage. Mais cette sécurité se retourna contre ces derniers dans cette configuration si particulière de la débâcle.
« A onze heures et quelques minutes, les glaçons arrivant avec rapidité ont fait rompre toutes les chaînes et amarres qui retenaient les grands bateaux. Ceux-ci ont été entraînés contre le Pont-Neuf au milieu des glaces. On supposait que tous allaient se briser : heureusement que le grand bras charriait tant de glaçons à ce moment, que ceux du petit bras n’ont pas trouvé issue au pont, si la débâcle du petit bras se fait avec la même violence, il n’y a aucun espoir de sauver aucun de ces bateaux.
Aussi on comprend le désespoir des mariniers et propriétaires. Aidés de nombreuses équipes de pompiers et des agents, ils ont profité de ce moment de répit pour amarrer à nouveau les bateaux.
Mais la débâcle ayant une première fois brisé de fortes chaînes, il y a peu d’espoir à conserver que ces cordes résisteront plus tard.
A onze heures du soir, la situation est toujours la même. »
Une vigilance forte
Aussi, il convient de veiller sur les bateaux et leurs occupants, les établissements diverses, les passants. Même si le lieu n’était pas si grand, pour les autorités, il fallait être sur le pont partout.
« Au petit bras de la Seine, les pompiers sont en permanence ; sur tous les ponts, la circulation est restée interrompue pendant la soirée et la nuit.
A tous les escaliers, donnant accès aux berges, de nombreux gardiens de la paix empêchent le public de s’approcher du fleuve. »
Un écoulement qui revient enfin à la normale
Mais autant la débâcle avait été intense, autant elle est finalement bien courte. Le Petit Journal signale le 6 janvier 1880.
« Dans Paris il n’y a que peu d’incidents nouveaux à signaler. Les glaçons du petit bras de la Seine se sont écoulés ou fondus sans entraîner les nombreux bateaux qu’ils avaient entraînés une première fois la veille.
Et cela grâce à l’heureuse circonstance d’une énorme poutre que le hasard avait fait placer pour obstruer tout passage entre deux des piles du petit bras du Pont-Neuf.
Le courant étant relativement peu considérable à cet endroit, les glaçons se sont écoulés petit à petit par les deux autres arches.
Il est vrai que les pompiers, dont on ne saurait, trop souvent constater le courageux dévouement, ont multiplié les amarres pendant toute la nuit. »
Sources bibliographiques :
- Le Petit Journal du 7 décembre 1879
- Le Petit Journal du 10 décembre 1879
- Le Petit Journal du 5 janvier 1880
- Le Petit Journal du 6 janvier 1880