Perspective de la Ville de Paris vue du pont des Tuileries par Israël Silvestre
Perspective de la Ville de Paris vue du pont des Tuileries par Israël Silvestre : représenter la grande ville
Nous nous trouvons sur une perspective réalisée à partir du pont des Tuileries, transformé quelques décennies plus tard, en 1689, par le pont Royal que nous connaissons aujourd’hui.
Partageons un peu cette vue prise par Israël Silvestre dans les années 1660 !
Une vue dégagée sur la Seine
Tout d’abord, le premier intérêt de ce dessin (on serait tenté de dire prise de vue, tellement il est parlant), est la vue sur la Seine, en direction du centre de Paris.
Le fleuve est large et semble bien tranquille. Finalement, comme nous pouvons le connaître régulièrement quand nous traversons les ponts !
Cette ouverture nous semble naturelle, car rien n’arrête l’œil. Pas de maison sur le pont suivant ! Quelques bateaux sur le fleuve, mais qui sont surtout sur les côtés, dans les ports.
Finalement, les yeux suivent le chemin du fleuve, jusqu’à arriver au niveau des arches du pont Neuf. La démarre l’île de la Cité, avec les immeubles construits autour de la place Dauphine. La ville se poursuit ensuite.
Une tour et une porte au premier plan
Revenons sur le côté gauche du dessin ! Bien sûr, on est tout d’abord frappé par la présence de cette tour médiévale. Il ne s’agit pas ici de la Tour de Nesle : vous pouvez la trouvez de l’autre côté du fleuve, à droite, plus loin, comme donnant l’impression de suivre les arches du pont Neuf.
C’est la Tour du Bois. Vestige de l’enceinte de Charles V, elle datait des années 1380. Imposante, cette tour n’avait alors que quelques années à se tenir dressée. Elle fut en effet détruite autour de 1670. Comme on peut le voir, la tour avait un magnifique étage de guet. Vestige du Paris médiéval !
A ses pieds, on avait édifié la porte Neuve en 1537 pour faciliter la circulation pour entrer dans Paris. Elle fut utilisée par Henri III pour sortir de Paris et fuir le Louvre après la journée des Barricades. C’est également par là que le roi Henri IV fit sa première entrée dans la ville après avoir vaincu la Ligue.
La galerie du Louvre
Dans les années 1660, la galerie du Louvre, reliant le palais avec celui des Tuileries était achevée depuis le règne d’Henri IV. Dans ce dessin, nous voyons principalement la partie entre le Louvre et l’ancienne enceinte de Charles V, réalisée par Louis Métezeau.
Ainsi, comme nous le constatons, le décor donnant sur la Seine est déjà bien installé alors.
Les ports et les quais
Israël Silvestre ne représente que peu de bateaux voguant sur le fleuve. Ce n’est pas le cas en revanche près des berges. On peut y voir une forte activité avec de nombreuses barques et embarcations sur les bords.
C’est principalement le port Saint Nicolas que nous pouvons voir ici. En ce lieu, il s’agissait de décharger les bateaux venus de l’aval de Paris (Normandie, Picardie, mais aussi Angleterre).
Les berges sont en terre, mais les quais sont en hauteur. Au moment où Silvestre réalise son dessin, les quais sont en bon état. Il faut dire que la crue de 1658 était passée par là. La ville avait été largement ravagée et on voulut la protéger davantage au moyen de ces quais.
Par les soupiraux, à gauche s’échappent une partie des eaux qui venaient des fossés de l’enceinte Charles V.
Sur la droite du dessin, on constate que l’activité marchande est aussi bien présente. Les quais sont ici encore en terre.
Le lotissement de la reine Margot
Sur la rive à la droite du dessin, nous pouvons voir des immeubles imposants, faisant face à la Seine. Il s’agit du lotissement de la reine Margot. En effet, après l’annulation de son mariage avec Henri IV, la reine Marguerite est chassée de Paris. Elle ne put y revenir qu’en 1606. Elle se fait alors construire un palais avec un beau jardin, en face du Louvre, en aval de la Tour de Nesle.
Après sa mort en 1615, le domaine rentre dans la propriété de Louis XIII. A partir de 1622, il est loti et progressivement construit. Les travaux durèrent jusqu’en 1650.
Ainsi, lorsque Silvestre se rend sur le pont des Tuileries, les deux rives sont urbanisées.
Composition de la perspective
Avec ce dessin, Silvestre propose donc une vue large sur la Seine et le Paris de son époque. Il joue sur les lignes directrices des rives, pour les faire rejoindre au niveau du pont Neuf et de l’île de la Cité. Cette impression renforce l’élargissement de la Seine à cet endroit, renforçant l’exploit technique d’y avoir pu construire un pont. En effet, ce n’était qu’au cours du XVIIe siècle, que les premiers ponts furent construits, traversant la Seine, sans s’appuyer sur une île.
L’impression de la grande ville est là également. Tout est urbanisé dans cette vue. Le dessinateur tourne le dos et on peut voir au loin les clochers et les tours (le clocher de Saint Jacques la Boucherie, la Sainte Chapelle, Notre Dame).
Le ciel est représenté avec de nombreux nuages, tout en jouant sur l’ambiguïté : est-ce des fumées de cheminée ?
Enfin, nous retrouvons au premier plan l’activité quotidienne des contemporains de Silvestre, ici manœuvrant leurs bateaux.