Le palais de Justice sous l’eau en janvier 1910
Le palais de Justice sous l’eau en janvier 1910 : lorsqu’un scaphandrier remplace les prisonniers au Dépôt…
La position centrale, en plein centre de Paris, en plein centre de l’île de la Cité, du Palais de justice participe bien évidemment à sa renommée. Là, au Moyen Age, les rois de France établirent leur domicile avant d’aller sur la rive droite, d’abord à l’Hôtel Saint Pol et l’Hôtel des Tournelles, puis au Louvre. Là, le Parlement de Paris, cette instance judiciaire de l’ancien régime, enregistra les lois et régla de nombreux conflits.
En 1910, bien sûr, la Justice est encore présente dans ce palais. Mais cette position, si près de la Seine, sur les deux bras, posa bien des soucis en janvier. Ce mois-là, Paris connut une de ses plus grandes crues centennales. L’activité du Palais en fut totalement interrompue.
Revue de presse d’alors !
L’inondation des caves et premières conséquences
C’est à partir du 18 janvier 1910 que le niveau de la Seine commença à monter. Cette progression de la hauteur de l’eau se fit très vite. Dés le 20 on commença à en sentir les effets sur les bords du fleuve.
Toutefois, dans les débuts, ce ne fut pas par-dessus les quais que l’eau arrivait, mais par le sous-sol. Ainsi, le 21 janvier, les premières infiltrations se firent sentir dans le Palais de Justice. Comme le rapporte le Petit Journal du 22 janvier 1910, il y eu rapidement un mètre d’eau.
Là, on stockait le bois et le charbon destiné à chauffer le palais. Seulement voilà, là étaient aussi les calorifères du bâtiment. De ce faire, rapidement, on ne put plus chauffer le Dépôt (où on gardait les prisonniers en attente de jugement), la Cour d’Assise et les différents services.
En outre, dans le passage souterrain qui reliait le Dépôt à la Sainte Chapelle, l’eau atteignait ce jour-là 70 centimètres. Impossible de l’emprunter !
Envahissement des caves de la Préfecture de Police et tentative pour limiter l’eau
Le lendemain, le 22 janvier, comme le témoigne le Figaro, « dans les caves de la Cité, l’eau augmente de minute en minute ».
Ainsi que l’écrit La Lanterne, on avait installé une pompe au niveau du quai des Orfèvres, mais sans « guère de résultats. »
On enregistra dans « toutes les caves avoisinant la préfecture de police » « les eaux atteignent 1m.20 de hauteur ».
Evacuation du Dépôt
Le Dépôt était l’espace du Palais où on gardait les prisonniers en attente d’une première comparution devant un juge ou un jugement. Cet espace, sensible du Tribunal, fut à son tour atteint par les eaux s’infiltrant dans le palais, le 25 janvier.
Dans son édition du 26 janvier 1910, la Petite République rapporte :
« Hier, dans la matinée, M. Honorat, chef de division des services judiciaires à la préfecture de police, informé que l’eau arrivait dans les sous-sols du Dépôt, à 0m.40 du sol, donnait l’ordre à M. Pujol, directeur du Dépôt d’évacuer la prison. Les prisonniers furent dirigés sur la Santé et Saint Lazare ».
Ainsi, on envoya les hommes à la prison de la Santé, dans le sud de Paris, et les femmes à celle de Saint Lazare, rue du Faubourg Saint Denis, non loin de la gare du Nord.
Intervention impromptu d’un scaphandrier
Cependant, cette évacuation ne fut pas de tout repos. Le journaliste de la Petite République continue :
« Mais ces prisons réclament les registres d’écrou du Dépôt, et ceux-ci malheureusement se trouvaient dans une pièce située dans les sous-sols. »
Comment faire ? Sans ces registres, impossible de reconnaître formellement les prisonniers. Mais cette fameuse pièce est dans le sous-sol, dans une zone inondée.
Pour se sortir d’affaire, comme l’écrit le journaliste, « on envoya alors chercher un scaphandrier, qui opéra une descente dans les sous-sols. »
La situation n’était pas facile, et notre homme du s’y reprendre à plusieurs fois.
« Connaissant mal les lieux, le scaphandrier mit un temps assez long à trouver les registres d’écrou et dut opérer plusieurs descentes avant d’y arriver. Il finit enfin par les découvrir et les repêcher en assez piteux état. »
Evidemment, l’intervention d’un scaphandrier attira son lot de spectateurs.
Les curieux contemplaient, place Dauphine des pompes pour donner un peu d’air au scaphandrier explorateur. »
En tout état de cause, cette évacuation ne stoppa pas l’inondation. Le lendemain, on comptait 50 centimètres d’eau au dessus des planchers du Tribunal de police et sur ceux du Buffet. Plus tard, les cours furent totalement inondées
La Seine avait pris ses quartiers dans les lieux.
Sources bibliographiques :
- Le Petit Journal du 22 janvier 1910
- Le Figaro du 23 janvier 1910
- La Lanterne du 24 janvier 1910
- La Petite République du 26 janvier 1910
- Chevrier, Françoise. La Conciergerie. Petites anecdotes et grandes tragédies. Sutton. Tours. 2017