La morgue du quai de l’Archevêché
La morgue du quai de l’Archevêché, dernier bâtiment avec une salle d’exposition destinée à montrer les corps retrouvés sans vie aux parisiens
En 1864, on décida de déménager la morgue située depuis le début du siècle sur le quai du Marché neuf, en face de la place Saint Michel. L’heure est aux grands travaux du préfet Haussmann dans l’Île de la Cité et on souhaite dégager le parvis de la cathédrale Notre Dame.
Les autorités retinrent la pointe amont de l’Île de la Cité, sur un terrain appelé la motte aux papelards.
La morgue du quai de l’Archevêché, un bâtiment massif et austère, organisé autour de la salle d’exposition
Le bâtiment était massif et aplati avec au centre la salle d’exposition, visible de l’entrée au travers d’une large vitre.
Accessible par trois grandes portes, cette salle d’exposition comportait deux rangées de dalles destinées à recevoir les morts retrouvés dans Paris. Alors qu’à la morgue du marché neuf, ces tables étaient recouvertes de marbre, celles-ci étaient faites de tôles.
Autour de la salle, on pouvait trouver le nécessaire pour l’activité de la morgue : greffe, salle d’arrivée, cabinets des magistrats, amphithéâtre, glacière.
Comme pour les anciennes morgues, le bâtiment comportait une salle d’autopsie destinée à étudier l’origine de la mort des corps retrouvés, le temps passé dans l’eau. Le sol comportait des grilles en bois. Une table en plomb était placée au centre et pouvait être manipulée afin de permettre d’éclairer telle ou telle partie du corps étudié. Dans cette salle, les magistrats parisiens organisaient des rencontres entre les suspects et les victimes afin de voir la réaction des premiers.
La morgue de l’Archevêché, une attraction parisienne de la seconde moitié du XIXe siècle
Comme celle du Marché Neuf, la morgue de l’Archevêché devint vite une attraction pour le Paris de la seconde moitié du XIXe siècle. Ouvriers, jeunes, femmes du centre ville… tous viennent faire la queue pour voir les derniers arrivés de la salle des expositions.
En août 1866, le journal La Liberté décrit l’ambiance autour de la morgue de l’Archevêché suite à la découverte d’une enfant tuée dans la rue du Vertbois :
« La foule se porte plus que jamais en masse à la Morgue, et, malgré les efforts de la police, de vrais scandales se produisent ; la populace se rue sur les portes en poussant des cris sauvages; les chapeaux tombés sont foulés aux pieds; les ombrelles et les parapluies sont brisés, et hier, des femmes se sont trouvées mal, étant étouffées à moitié. M. Pierre, greffier de la Morgue, fait tout ce qu’il peut pour remédier à cet état de choses; malheureusement, c’est pour ainsi dire impossible, bien qu’il ait pris la précaution de ne laisser entrer les « curieux que par fournées. A un moment même, la place encombrée, les agents ont eu maille à partir avec des individus appartenant à la plus basse populace, ils ont dû échanger des coups de poings. Il est regrettable, que l’on tolère la présence sur la place de marchands de fruits et de camelots. Cela ne contribue pas peu à rendre impossible la circulation. »
Emile Zola décrivit lui aussi l’activité de la morgue. Dans Thérèse Raquin, il écrit : « un spectacle à la portée de toutes les bourses que se paient gratuitement les passants pauvres ou riches, la porte est ouverte, entre qui veut, il y a des amateurs qui font un détour pour ne pas manquer une de ces représentations de la mort. Lorsque les dalles sont nues, les gens sortent désappointés, volés, murmurant entre leurs dents; lorsque les dalles sont bien garnies, lorsqu’il y a un bel étalage de chair humaine, les visiteurs se pressent, se donnent des émotions à bon marché, s’épouvantent, plaisantent, applaudissent ou sifflent comme au théâtre et se retirent satisfaits en déclarant que la Morgue est réussie ce jour-là »
A la veille de la première guerre mondiale, la morgue déménage de nouveau
En 1914, la morgue déménage de nouveau pour devenir l’institut médicolégal du quai de la Râpée. Dorénavant, il ne sera plus possible de venir voir les morts trouvés dans Paris. Les autorités considérèrent alors que les va-et-vient des parisiens n’étaient plus concevables sur le plan de la morale.
Sources bibliographiques :
- Guillot, Adolphe. Paris qui souffre. 1887
- Macé, Gustave. Mon premier crime. 1885