Histoires de Paris

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Histoires de Seine

Les mesures de précautions sur les usines électriques au début de la crue de 1910

Les mesures de précautions sur les usines électriques au début de la crue de 1910 : on pare au plus pressé !

Après les très fortes pluies de mi-janvier, toutes les rivières du nord de la France débordent. La Seine monte et monte sans arrêter. La vitesse de l’élévation du niveau de l’eau surprend tout le monde, si bien que les prévisions sont dépassées à peine publiées.

Aussi, même si la crue de la Seine démarre le 18 janvier,pas surprenant de constater des premiers dégâts sur les bords du fleuve dés le 21 janvier.

Revue de presse du 22 janvier 1910 !

 

Grosses frayeurs sur l’usine d’électricité du métropolitain quai de la Rapée

Sur le quai de la Rapée, à proximité de l’Arsenal et de la Bastille, une usine servait à l’alimentation en électricité le réseau de métro parisien d’alors. Aussi,elle était proche de la Seine. Très proche !

Le 22 janvier, le Petit Journal rapporte le constat réalisé par un responsable de l’usine :

« Tout d’abord, la crue n’a pas occasionné jusqu’à présent, d’interruption dans le service et nous avons pu fournir le courant nécessaire, non sans difficulté. »

Il décrit ensuite la situation plus précisément :

L’eau, en effet, a envahi les sous sols où passent les câbles dont quelques uns sont actuellement noyés. Mais nos mesures sont prises, afin de parer à tout accident. C’est ainsi que depuis vingt quatre heures, nous avons installé dans les sous sols, six pompes à vapeur qui fonctionnent sans interruption, nuit et jour, et rejettentl es eaux qui ont atteint, jusqu’à trois mètres au dehors. Grâce à ces précautions, nous espérons ne pas avoir d’accidents et de ne pas interrompre la distribution de la force électrique sur nos lignes. Les câbles immergés sont revêtus d’une tunique protectrice de gutta qui les isole et empêche le contact avec l’eau, qui occasionnerait des courts circuits dangereux. »

L’usine électrique de l’est parisien doit s’arrêter, stoppant tous les tramways de l’est

Un peu plus en amont, à Vitry, une usine produisait de l’électricité pour notamment un réseau important de tramway. Se rendant  sur place, un journaliste du Petit Journal constate la situation :

« L’usine électrique de l’Est parisien, installée dans la plaine de Vitry, en bordure de la Seine est absolument envahie par l’eau. Les sous sols, quoique bétonnés, sont inondés : l’eau y a pénétré par les conduites de dégagement. »

Il poursuit ensuite : « Dans le courant de l’après midi, le niveau de la Seine s’étant encore élevé, toutes les machines ont été inondées. L’usine est fermée ; le personnel chôme. Les dégâts sont considérables »

Cette situation a eu un impact direct sur une partie des transports parisiens, comme le signale le Petit Parisien du 22 janvier :

« La Compagnie des tramways de l’Est parisien s’est vue dans l’obligation d’interrompre la circulation sur tout son réseau. Les voitures étaient sorties dans la matinée aux heures habituelles, mais les eaux qui, depuis la veille menaçaient d’envahir l’usine de force motrice, située à Ivry, ayant progressivement monté, il fallut jeter bas les feux afin d’éviter une catastrophe.

A partir de neuf heures du matin, toutes les voitures ont reçu l’ordre de regagner leurs dépôts respectifs. »

Mesures de précautions dans l’usine Thomson Houston :

Une autre usine, située également à Vitry sur Seine est en péril en ce 21 janvier 1910, comme le témoigne le Petit Journal

« L’usine électrique Thomson Houston, quai du Port à l’Anglais, à Vitry, a eu ses sous sols,profonds de 32 mètres, également inondés. Cette usine fournit l’électricité les tramways de la Compagnie Parisienne du groupe du Châtelet et de la ligne Bastille Montparnasse, ainsi que le chemin de fer d’Orléans, dont les trains de banlieue sont actionnés, entre Paris et Juvisy, par des locomotrices.Toutefois, en cas d’accident, la Compagnie d’Orléans prendrait l’électricité à l’usine qu’elle a fait élever au pont de Tolbiac.

L’usine Thomson Houston, qui n’occupe pas moins de 300 ouvriers, a encore des câbles de secours avec l’usine du métropolitain du quai de Bercy, à Paris et l’usine de l’Est-lumière, à Alfortville.

C’est vers huit heures qu’on s’est aperçu que l’eau envahissait par des fissures certaines galeries du sous sol. Une pompe à vapeur de l’état major a été immédiatement envoyée pour épuiser l’eau, avec l’aide des pompiers de Vitry. Mais malgré ces incidents, l’usine a fonctionné normalement. »

Cette situation de périls fait également l’objet d’envieux : « Pendant cette opération, des gens suspect étaient entrés dans les ateliers avec l’intention d’y voler des coussinets de cuivre. Deux arrestations ont été opérées par M. Bénézech, commissaire de police d’Ivry. »

Modification de l’éclairage du pont Alexandre III

Plus anecdotique, mais plus frappant aussi pour les parisiens, le pont Alexandre III est menacé de rester dans le noir.

« L’électricité n’a pu fonctionner, hier soir, au pont Alexandre III, car le transformateur placé sous le pont était inondé. Il a fallu organiser un service d’éclairage du pont au moyen de lampes à pétrole.

Par suite de l’inondation de l’usine de l’Est parisien, l’éclairage électrique de l’avenue Gambetta, fournit par cette usine n’a pas fonctionné hier soir et l’avenue a été éclairée par des becs à gaz. »

Echos d’autres blocages des usines situées en bord de Seine

Tout d’abord, en aval de Paris, la crue a eu pourconséquence le 21 janvier 1910 de ralentir également le fonctionnement de la machine élévatoire de Marly. En effet, cette machine datant du Grand Siècle,alimente en eau Versailles et ses environs, avec de l’eau issue de la nappe souterraine de Croissy. Mais du fait de la montée de la Seine, la ville de Versailles dut se passer de cette machine, en pompant l’eau des étangs de Hollande, Saint Quentin, Saclay… en invitant les habitants à la faire bouillir.

Par ailleurs, dés le 22 janvier, l’usine électrique alimentant Melun se retrouva à l’arrêt, tôt le matin. De ce fait, la ville se réveilla sans courant et force motrice.

Affaire à suivre alors, d’autant que la Seine menace toujours de monter !

Sources bibliographiques :