La manufacture de porcelaine du duc d’Angoulême
La manufacture de porcelaine du duc d’Angoulême : une fabrique du genre des plus importantes du XVIIIe siècle
Dans les années 1770 et 1780, plusieurs manufactures de porcelaine s’installent dans le nord de Paris entre les faubourgs Saint Denis, du Temple, mais aussi à Montmartre ou tout près de la rue de Provence. Afin de se protéger des prétentions monopolistiques de la Manufacture royale de Sèvres, elles vinrent chercher la protection de princes puissants.
Ce fut le cas de la manufacture qui nous intéresse maintenant : celle du duc d’Angoulême.
Si comme moi, vous n’êtes pas familier des titres princiers lors du règne de Louis XVI, je peux vous indiquer que le duc d’Angoulême était le fils d’un frère du roi, le comte d’Artois. Ce dernier restera dans l’histoire comme Charles X, le dernier monarque Bourbon. A ce titre, le duc d’Angoulême fit partie des prétendants au trône de France après la révolution de 1830.
« Une des manufactures les plus importantes de Paris »
Voici la description flatteuse que fait de cette fabrique, Charles Ernest Guignet dans son traité sur la Céramique ancienne.
Elle était installée dans la rue de Bondy, ainsi qu’on l’appelait alors, rue René Boulanger, avec sa forme de serpentine juste à côté du boulevard Saint Martin, à deux pas de la place de la République.
Rappelons que le comte d’Artois était un grand protecteur de la porcelaine française, ayant son aile une manufacture du faubourg Saint Denis, tout proche de celle qui nous occupe ici.
Les entrepreneurs de la manufacture du duc d’Angoulême : Guérhard et Dihl
Comme vous pouvez vous l’imaginer ce n’était pas le prince qui gérait et exploitait la fabrique. Il ne faisait que la patronner et lui laissait la possibilité d’utiliser ses initiales.
Ainsi que le rapporte Guignet, les premiers gérants étaient Guérhard et Dihl. Jusqu’à la Révolution, ils signaient leurs produits avec un cachet ovale contenant le chiffre du duc, surmonté de la couronne du prince.
Puis, après la Révolution, ce patronage n’était plus d’aucune utilité. Aussi, ils remplacèrent la marque avec « MM. de Guerhard et de Dihl ».
Bien sûr, à la Restauration, alors même qu’ils étaient toujours d’activité, ils reprirent la référence du duc d’Angoulême : « MANUFAC DE MGR LE DUC D’ANGOULÊME A PARIS. »
Edouard Garnier indique que Dihl était un « habile chimiste », utilisant des couleurs riches et variées. Quelques-unes de ses œuvres sont conservées au musée de Sèvres.
La publicité pour la manufacture
En faisant quelques rapides recherches, nous avons retrouvé dans le Mercure de France du 18 janvier 1783, une publicité pour les produits de la manufacture de porcelaine du duc d’Angoulême.
« Il est un Art, celui de faire la Porcelaine, que nous avons porté en France au degré de la perfection. Nous sommes parvenus à rendre l’Europe entière notre tributaire dans ce genre, après l’avoir été pendant des ficelés de la Chine, du Japon & du la Saxe. Dans le nombre des Manufactures qui se font élevées, il en est une qui mérite d’être distinguée, c’est celle établie rue de Bondy, derrière l’Opéra, 8c formée fous la protection de S. A. R. Mgr. le Duc d’Angoulême. Elle a la propriété d’aller au feu ; elle est d’un blanc agréable. Le biscuit en est beau. Elle réunit la variété des couleurs 8c l’élégance du devin & des formes ; mais ce qui la distingue des autres Porcelaines, c’et l’imitation étonnante des fleurs, entre autres des jacinthes, qui ont le port et la vérité de la Nature. »
Sources bibliographiques :
- Mercure de France du 18 janvier 1783
- Guignet, Charles-Ernest. Garnier, Édouard. La céramique ancienne et moderne. 1899
- Garnier, Édouard. Histoire de la céramique, poteries, faïences et porcelaines chez tous les peuples, depuis les temps anciens jusqu’à nos jours. Paris, 1882.
- Havard, Henry. Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration : depuis le XIIIe siècle jusqu’à nos jours. Tome IV. Paris, 1894.
- Illustration : sceau à glace en porcelaine de Sèvres proposé à l’impératrice de Russie- extrait de Dessins et devis du Service de Porcelaine pour l’Impératrice de Russie. 1778 – Crédit BNF Gallica