La Maison Huguet
La Maison Huguet : le grand spécialiste de la rue Richelieu de l’imitation du châle indien au XIXe siècle …
Au 104 de la rue Richelieu, tout près des Grands Boulevards, se tenaient au milieu du XIXe siècle, un magasin dédié aux châles en cachemire. A cette époque, les châles se portaient lors des réceptions et autres soirées mondaines. Aussi, les parisiennes élégantes s’arrachaient ces tissus venus de fabriques françaises mais aussi importés de plus loin, notamment l’Inde.
Entre ces deux provenances, la Maison Huguet s’était fait une spécialité : l’imitation. Elle ne devait pas avoir accès aux produits indiens, mais voulait surfer sur l’envie d’exotisme qui traverse alors la société française.
Un positionnement : l’imitation de châles indiens !
Alors qu’aujourd’hui, on revendique avec fermeté les appellations d’origine, luttant contre la contrefaçon et l’imitation, ce n’était pas un problème pour notre Maison Huget. Regardez par vous-même :
« Châles. Imitation de l’Inde
Même dessin, même coloris, même finesse de tissu, même solidité. L’œil le plus exercé ne peut établir aucune différence entre ces châles et les cachemires de l’Inde. » Indépendance Belge du 6 mai 1852
L’imitation était très recherchée pour ce détaillant : on devait avoir une impression de cachemire indien, tant en regardant le dessin, la qualité que le toucher du tissu. On devait même pouvoir ne pas faire la différence. C’est tout de même rare de lire des publicités revendiquant une contrefaçon.
« Les Châles de la maison Huguet et Ce, 104, rue de Richelieu, imitation parfaite des châles de l’Inde sont garantis pur cachemire, portent la marque de fabrique et l’étiquette de leur prix. » La Presse du 3 décembre 1852
L’imitation se devait d’être parfaite. Et on investissait fortement dans l’outil industriel pour obtenir ce résultat.
« Le châle de l’Inde reproduit par un nouveau système de fabrication perfectionné.
Ces cachemires d’une richesse et d’un goût exquis, et supérieurs à tout ce qu’a reproduit en France cette industrie, sont fabriqués avec les mêmes matières qu’emploient les Indiens, et, bien que d’une solidité parfaite, ne coûtent que 200, 400 et 600 francs. » La Patrie du 28 décembre 1853
Tout en faisant du nom une marque comme un label de qualité
Imitation ne suffit pas qualité au rabais. Pour la Maison Huguet, c’était une fierté mais aussi une présentation comme un gage de qualité. En venant chez Huguet, vous n’aurez pas de cachemire indien, mais vous en aurez pour votre argent du fait de l’excellente qualité, sur tous les rapports.
« Les Châles qui sortent de la Maison HUGUET et Cie portent un cachet de garantie de leur fabrication et les prix fixes marqués en chiffres connus. » Charivari du 24 août 1851
« Cette fabrication, supérieure à toutes les autres pour la solidité de ses couleurs et la beauté de ses dessins, ne se trouve que rue Richelieu, 104, maison Huguet et Cie » La Presse du 3 décembre 1852
Le fait divers de M. Huguet
Pour finir avec cette histoire, nous ne résistons à vous raconter un fait divers concernant M. Huguet. Il se trouve qu’il se retrouve devant le tribunal en 1853. Son délit : avoir porté une distinction qu’il n’avait pas reçu.
Suivi par des policiers, il s’était fait arrêter, portant à son veston un « ruban rouge et vert dont les couleurs étaient séparées par un liseré ». Les forces de l’ordre trouvèrent cela d’un cas tellement majeur qu’elles voulurent l’emporter avec eux au commissariat. Il dut négocier pour ne pas être menotté devant ses amis.
Notre homme fut condamné car ce n’était pas la première fois qu’il était surpris arborant une récompense impériale qu’il n’avait pas reçu.
Ainsi, l’imitation passait mais quand elle se limitait aux châles.
Sources bibliographiques
- Le Charivari du 24 août 1851
- L’Indépendance Belge du 6 mai 1852
- La Presse du 3 décembre 1852
- Le Charivari du 16 juin 1853
- La Patrie du 28 décembre 1853