Le magasin de nouveauté de la Tour saint Jacques
Le magasin de nouveauté de la Tour saint Jacques, et ses méthodes commerciales huilées, fort de sa notoriété.
Regardée comme un monument essentiel du centre de Paris, la Tour Saint Jacques fait l’objet d’une grande campagne de restauration à partir de 1853. Isolée des maisons aux alentours et surplombant un square, la Tour Saint Jacques est regardée avec fierté par les parisiens.
En outre, à cet endroit, on vient de réaliser la rue de Rivoli, rejoignant alors le Louvre à l’Hôtel de Ville. Un endroit clef pour se promener mais aussi pour faire du shopping. Aussi, rapidement, un magasin de nouveauté s’y installe.
Ouverture du magasin de nouveautés en 1854
Poussé par l’attention portée par la Tour Saint Jacques et la perspective de l’Exposition Universelle de 1855, un magasin de nouveautés ouvre juste en face. Lors de la date choisie, le 3 avril 1854, les travaux de restauration sont démarrés mais pas encore terminé. Quelle importance ! Il faut être prêt pour 1855.
Rapidement, le magasin de la Tour Saint Jacques s’installe dans le quartier. Bien sûr, le lieu avait une vocation de commerce et de vente d’habits. Rappelons-nous le marché de Saint Jacques la Boucherie. Toutefois, finie la friperie ! Le temps est à la mode et aux nouveautés.
Aussi, pour attirer sa clientèle, les tenanciers du magasin font valoir, à grand renfort de publicité, une « réputation de bon marché ».
Cela fonctionne, puisque quelques mois après son ouverture, le magasin s’agrandit. Il en profite pour faire une large publicité. Les journaux reprennent alors les éléments de langage offerts par le magasin. En effet, dans les encarts, on pouvait lire en octobre 1854, des invitations : « La réputation de bon marché acquise par cette Maison, attire tous les jours une foule d’acheteur, qui accroupit dans une proportion vraiment remarquable. Chacun veut profiter des avantages réels offerts par cet important Etablissement. »
La tactique était ensuite de faire présenter commun catalogue, les prix proposés par les offres du moment. On retrouve dans son édition du 20 octobre 1854, la Presse indique que « les velours tout soie à 9 francs et 25 centimes, les popelines de Lyon à 7,50 francs, les confections velours tout soie à 59 francs… »
Les grandes opérations autour de l’Exposition Universelle de 1855 et l’inauguration de la Tour Saint Jacques restaurées
Le magasin de la Tour Saint Jacques est situé en plein Paris. D’ailleurs, avec l’Exposition universelle, la ville va accueillir une quantité faramineuse de visiteurs. Aussi, en commerçants, les tenanciers du magasin ouvre un mois avant l’ouverture de l’événement, deux nouvelles galeries.
Une fois encore les petits prix sont mis en avant dans les journaux. En effet, le 21 avril 1855, la Gazette de France écrit : « On parle d’une quantité considérable de marchandises achetées à cette occasion, et qui doivent être vendues à des prix vraiment fabuleux. »
Une nouvelle occasion pour se mettre en avant arrive ensuite. Avec le sens des affaires du magasin, une vaste communication est également faite, après l’inauguration de la Tour Saint Jacques restaurée le 15 août. Il faut dire alors que le monument fut un des principales attractions de la visite de la Reine Victoria pour l’Exposition Universelle de 1855.
Des agrandissements qui se poursuivent mais qui inquiètent aussi
Il faut dire que les années 1850 sont celles de la montée fulgurante des grands magasins parisiens. Certains journaux s’en inquiètent, comme le Tintamarre du 19 octobre 1856 : « Cela devient inquiétant. Et le magasin de la Tour Saint Jacques profite (comme toujours) de la pénurie d’affaires pour solder en fabrique des achats considérables de marchandises à des prix fabuleux de bon marché »
L’agrandissement ne cesse pas encore. En effet, en mars 1858, on continue de préparer de nouveaux agrandissements du magasin. Evidemment, des grandes publicités sont alors publiées en avril pour profiter de l’événement.
L’approche marketing du magasin de la Tour Saint Jacques
Depuis l’ouverture du magasin de la Tour Saint Jacques, la mécanique est bien huilée. Elle est toujours la même.
Comme nous l’avons vu, la publicité insiste toujours sur deux leviers. Tout d’abord, le magasin met en avant sa réputation de bon marché et affiche ensuite des prix sur de nombreuses marchandises.
Pour pouvoir fonctionner, l’approche du magasin consiste à profiter et créer des événements. Il utilise alors soit un moment fort arrivant dans le quartier mais aussi dans la vie du magasin. Ainsi chaque agrandissement est une occasion de vente et de faire des affaires.
Ensuite, pour achalander son magasin lors de ces moments clef, il achète dans des quantités astronomiques de marchandises. Cela lui permet de faire des coups, proposer des prix plus bas et en offrant une forte diversité. Comme ces prix sont temporaires, les clientes doivent venir le plus vite possible. Les quantités surprennent souvent les journaux, qui firent souvent des erratums car ils s’étaient trompés dans la mise en avant : « des milliers au lieu de centaines » pouvait-on lire régulièrement.
Et à chaque fois, le magasin insiste très lourdement sur la publicité.
Pour cela, il achète
Quelques ratés dans cette machine bien huilée.
Cependant, il arriva que le dispositif rencontra quelques difficultés.
Des prospectus un peu trop vite distribués
Ainsi, en octobre 1858, la Voix de la vérité rapporte : « MM. Aubignat, Gravet et compagnie, marchands de nouveautés, rue de Rivoli, à l’enseigne de la Tour Saint Jacques, avaient confié à la maison Crottet et compagnie un grand nombre de circulaires et de prospectus pour être distribués dans les différents quartiers de Paris. Il y avait déjà quelques temps que cette distribution avait dû être faite et ils attendaient patiemment les belles dames que leur élégance commerciale avait dû séduire, lorsqu’ils virent entrer dans leur brillant magasin deux égoutiers chaussés de leurs bottes à l’écuyère et porteurs d’un paquet assez volumineux. ».
Le journaliste poursuit que le paquet contenait « une grande partie des circulaires qu’ils avaient remises à Crottet ». En effet, lassés d’avoir fait une première distribution, les porteurs des circulaires les avaient laissés dans un égout de la place Lafayette.
Un trou dans la comptabilité
En 1865, le problème est tout autre. Un caissier est présenté devant la Cour d’Assise pour faux en écriture de commerce. Cet homme était depuis 5 ans, caissier de la division des crédits. Il fut surpris après avoir détourné 56 000 francs. Il avait commencé son stratagème dés son premier jour. Pour cela, il réalisait dans ses livres un certain nombre de manipulations. Au tribunal, on rapporta qu’il avait déjà détourné 5 000 francs dans son emploi précédent.
Ces difficultés n’empêchèrent pas le magasin de s’agrandir encore en 1866.
Changement de main à la fin du XIXe siècle
En 1898, on rapporta le suicide d’un homme d’affaires près des Champs Elysées. En effet, M. Drouilly se serait jeté du haut de l’Arc de Triomphe. Le marchand était alors à la tête de six magasins de nouveautés, dont celui de la Tour Saint Jacques.
A cette époque, son entreprise enregistrait un chiffre d’affaires de l’ordre d’un millions de francs. Cependant, d’après le Petit Journal du 24 avril 1898 qui décrivait l’évènement, cette activité ne couvrait pas les frais des six établissements. Juste avant sa mort, plusieurs de ses employés lui avaient demandé une forte hausse de salaire, faute de quoi, ils le quitteraient.
Ce tragique évènement ne bloqua pas cependant l’activité du magasin. En effet, le 27 mai, des publicités annonçaient la mise en vente de 6 millions de marchandises.
Toutefois, de nouveaux acquéreurs reprirent le magasin en octobre de la même année. Il s’agissait de Henri Esders, propriétaire des magasins Saint Joseph, rue Montmartre et à la Grande Fabrique de la rue Turbigo.
De ce fait, dans les années qui suivirent, les promotions mettaient en avant ces trois établissements, proposant les mêmes offres. Il fut rajouté rapidement, un autre magasin à proximité : le pont neuf, situé rue du pont neuf.
Sources bibliographiques :
- La Presse du 16 avril 1854
- La Presse du 20 octobre 1854
- Le Constitutionnel du 29 octobre 1854
- La Gazette de France du 21 avril 1855
- Le Tintamarre du 19 octobre 1856
- Gazette de France du 4 avril 1856
- La Voix de la Vérité du 3 octobre 1858
- Le Constitutionnel du 21 janvier 1865
- Petit journal du 24 avril 1898
- La Lanterne du 1er octobre 1898