Le magasin de la Compagnie des Indes en 1850
Le magasin de la Compagnie des Indes en 1850 : une enseigne pour le cachemire français… et venu d’ailleurs.
Le haut de la rue Richelieu et ses alentours était un quartier de cachemire au milieu du XIXe siècle. Ici, les élégantes venaient s’approvisionner en châles en prévision de leurs sorties mondaines ou leurs réceptions.
Reprenant le nom d’une entreprise fondée par Colbert au XVIIe siècle, le magasin de la Compagnie des Indes s’était installé au début des années 1840 au 80 de la rue Richelieu. Cette entreprise connut une certaine prospérité, lui permettant de durer encore un bon moment au XXe siècle.
Les débuts et la reprise d’un nom mythique
Tout d’abord, au début des années 1840, la Compagnie des Indes était d’abord un souvenir. Entreprise royale, elle était destinée à commercer avec les contrées les plus lointaines. Ayant connu des hauts et des bas, elle est définitivement liquidée à la Révolution, en 1795.
Aussi, notre magasin de nouveautés, spécialisé sur les châles, reprend ce nom, comme nous le lisons dans le Siècle du 27 avril 1840 :
« Les magasins ouverts rue Richelieu, 80, sous le titre de Compagnie des Indes, souviennent avec distinction le nom qu’ils se sont donné. »
Et le lieu devait attirer vite du monde :
« Aussi, ce riche entrepôt des châles de l’Inde est-il devenu le rendez-vous des femmes du grand monde. Elles seront indécises en présence des châles longs que la mode élégante recherche toujours et des châles carrés qui reprennent la faveur due à leur légèreté et qui se drapent d’ailleurs si commodément, sur les épaules. »
A cette date, la production se voulait d’abord française
« Les cachemires français, qui représentent dans les magasins delà compagnie les plus beaux produits de notre industrie en ce genre, sont vendus au prix de fabrique. Ce n’est ni par coquetterie ni pour prouver leur supériorité que les châles des Indes admettent auprès d’eux les cachemires français, car les uns et les autres méritent également une distinction à part ; mais la Compagnie des Indes, pour répondre à toutes les exigences de la toilette, ne pouvait mieux compléter la riche et permanente exhibition de châles, qui a lieu dans ses élégants salons, qu’en joignant aux tissus de l’Inde nos plus beaux tissus français. Nous touchons à l’époque de l’année où beaucoup de mariages se célèbrent ; aussi les plus beaux châles de la Compagnie des Indes sont-ils destinés à des corbeilles de mariage.
Il serait difficile d’offrir à une jeune mariée un cadeau plus élégant, de meilleur goût, et qui fût plus digne de figurer parmi les présents de noces., C’est un avis que nous donnons ici aux grands-parents et même aux jeunes hommes qui s’occupent des détails de la corbeille de mariage. »
Un magasin qui se voulait largement fourni
Dès ses débuts, on devait pouvoir trouver son bonheur parmi les châles dans cette boutique. Le Charivari nous en donne un aperçu le 2 décembre 1842 :
« Les comptoirs de la Compagnie des Indes, rue Richelieu, 80, sont placés depuis longtemps à la tête du commerce de cachemires. Aussi ont-ils toujours le plus complet assortiment de châles de l’Inde depuis les plus modestes et les moins chers jusques aux plus rares et aux plus magnifiques, sans que les prix de ces derniers soient cependant trop élevés. Ces magasins, qui reçoivent leurs cachemires par voie directe, sont toujours en possession des châles les plus nouveaux et les plus saillant. Les dames regarderont donc comme une bonne fortune les comptoirs de la Compagnie des Indes. »
Tout en faisant des opérations commerciales
Comme c’était l’approche commerciale en ces temps-là, le magasin de la Compagnie des Indes réalisait des actions coup de poing. En voici un exemple, que nous avons retrouvé dans le Journal des Coiffeurs du 1er avril 1848.
« Toutes les dames apprendront avec le plus vif intérêt que MM. GEFFRIER et YBERT, gérant des comptoirs connus à Paris sous le titre de COMPAGNIE DES INDES, viennent de mettre en vente une partie considérable de CACHEMIRES DE L’INDE CARRÉS, au prix surprenant de 300 à 400 fr., et de CACHEMIRES LONGS de 500 à 700 fr. seulement. Tous ces châles sont vendus avec et sous la garantie de cet ancien et important établissement.
Nous n’insisterons pas sur l’importance de cette garantie, et sur les avantages incontestables que tout acheteur est certain de trouver en s’adressant, pour l’achat des cachemires, à une maison telle que la COMPAGNIE DES INDES. »
Des châles de différentes origines
Comme nous l’avons perçu dans les premières lignes, le magasin de la Compagnie des Indes vendait principalement des cachemires dessinés et produits en France. Mais avec un nom pareil, comment ne pas distribués aussi des cachemires venus d’ailleurs. Le Courrier de Saône et Loire du 23 mai 1849 nous en donne un aperçu :
« Les dames de province attirées à Paris par les représentations du Prophète, à l’Opéra, par les promesses de la double exposition des Beaux-Arts et des produits industriels, ne diront pas adieu à la capitale avant d’avoir passé en revue les merveilles des magasins en vogue.
Nous croyons deviner pour qui sera leur première visite. En exposant dans ses salons, rue Richelieu, 83, des châles provenant directement des fabricants indiens, la Compagnie des Indes est entrée dans une voie nouvelle et féconde. Il était temps que le cachemire, celle nécessité du luxe, fut débarassé des énormes bénéfices que pré levaient sur lui les tiers-vendeurs et devint ainsi accessible à toutes les fortunes. La vente de ce précieux article va recevoir une rapide impulsion, dont les résultats sont dus à MM. Geffrier-Ybert, associés gérants de la compagnie. En retournant dans leurs départements, nos visiteuses pouvaient emporter, comme souvenir de leur séjour à Paris, un véritable cachemire, qu’elles auront acheté sous les yeux de producteurs indiens. MM. Peer Buksh et kihob a Buksb, qui, par leur présence dans les magasins de vente de la Compagnie des Indes témoignent de leur empressement à connaître le goût et les exigences des dames françaises. »
Sources bibliographiques :
- Le Siècle du 27 avril 1840
- Le Charivari du 2 décembre 1842
- Le Journal des Coiffeurs du 1er avril 1848
- Le Courrier de Saône et Loire du 23 mai 1849