La lutte contre les espions au début du Siège de 1870
La lutte contre les espions au début du Siège de 1870 : enjeu de défense en limitant les fuites à l’extérieur
Après la proclamation de la République, le 4 septembre 1870, la guerre n’est pas finie. Certes, l’armée impériale subi un très lourd revers à Sedan. Napoléon III est fait prisonnier. Mais, le nouveau gouvernement ne veut pas reconnaître la défaite française.
La Prusse ne souhaite terminer le conflit que par une victoire complète. Aussi, la prochaine bataille se dessine : Paris.
La capitale française est tout de même protégée lourdement par son réseau d’enceinte et de forts. Aussi, le renseignement est essentiel pour la battre. Pour cette raison, les français se méfient des possibles espions, comme nous allons le voir dans cet article.
A la recherche de faiblesse dans la défense
C’est avec le numéro du 9 septembre 1870 du Petit Journal que nous démarrons !
« Dernièrement, deux individus opéraient des sondages dans la Seine, entre l’ilot de Billancourt et le
viaduc du chemin de fer.
Arrêtés et conduits devant l’autorité, ils ont, pressé de questions, déclaré que, si on voulait leur assurait la vie sauve, ils rendraient un signalé service.
A cette condition seule, on le leur promit.
Alors ils liront avec franchise et avec une profonde connaissance des moyens, soit de protéger, soit d’attaquer la capitale, des observations qui frappèrent de stupéfaction les hommes compétents.
D’après les renseignements de ces espions prussiens, on reconnut en effet qu’il existait six cents mètres d’étendue, de la largeur de la Seine, complètement à découvert et à l’abri des projectiles du
Mont-Valérien et du fort de Vanves.
Ces aveux ont eu pour résultat d’engager le comité de défense à entreprendre immédiatement des travaux sur les deux rives, et principalement dans île Séguin.
Les travaux, poussés avec la plus grande activité, sont aujourd’hui dans l’état le plus satisfaisant. »
Ces individus étaient-ils des espions ? Des parisiens souhaitant aussi étudier la situation ? Nous n’en savons ici pas grand-chose. Mais, cet épisode montre comment les autorités se méfient des possibilités de renseignement ennemi.
Les limites des opérations de police
Alors comment faire pour repérer les espions ? En repérant des comportements suspects comme celui évoqué juste précédemment ? Sur des contrôles au visuel ?
En tout état de cause, la pression est très forte, sur les policiers notamment, chargé de lutter contre toute possibilité d’espionnage. Aussi, il arriva que des abus furent repérés, nécessitant cependant la communication suivante dans les colonnes du Petit Journal le 16 septembre :
« Le préfet de police a appris que quelques abus regrettables ont été commis, sous prétexte d’espionnage, des citoyens ont été arrêtés dans leur domicile sans mandat régulier.
Le préfet de police rappelle que nul ne peut, sans ordre de la justice, pénétrer chez un citoyen, ni porter la main sur sa personne. La loi punit de peines sévères la violation de domicile et l’arrestation arbitraire. Le préfet de police fera exécuter la loi et traduira devant les tribunaux ceux qui la violeraient. »
Des arrestations étonnantes
Le numéro du 19 septembre 1870 met en avant plusieurs cas d’arrestation que nous pourrons qualifier d’étonnante. La première fait l’objet d’un soldat jouant sur les bords de la Seine
« Une patrouille du 119e bataillon de la garde nationale a arrêté, la nuit dernière, à trois heures, un soldat dont le képi portait le numéro du 12e de ligne. Ce soldat, d’après son dire, avait quitté son poste auprès de Charenton pour venir voir des parents à Paris.
Pour se distraire, disait-il, il s’amusait à brûler des cartouches sur les bords de la Seine quand on l’a arrêté. Malgré les recherches les plus minutieuses, il n’a pas été possible de s’assurer si les coups de fusil étaient dirigés sur des personnes ou sur des bateaux.
Amené à la mairie du Panthéon, ce soldat a été fouillé. Ses papiers n’étaient pas en règle, et tout porte à croire que ce pourrait bien être un espion prussien doublé d’un déserteur français. »
Mais ce n’était pas la seule. Voici pour poursuivre le cas d’un homme déguisé en femme. Ce prussien cherchait à fuir l’enrôlement dans l’armée de son pays.
« Sur le boulevard des Batignolles, une femme du peuple remarqua une jeune personne dont la démarche lui parut ressembler à celle du sexe fort, l’inspection des mains suffit pour la convaincre. Elle la fit arrêter.
Conduit au poste voisin, le jeune homme, car c’en était un, a déclaré qu’il s’était déguisé en femme pour assurer sa sécurité au moment où l’on pourchassait les Prussiens. Il a ajouté que, avant la guerre, il était commis dans un magasin de nouveautés- que, appelé sous les drapeaux de la Prusse, il avait déserté, ne pouvant vivre ailleurs qu’à Paris.
Cette déclaration et ce déguisement ont paru d’une gravité telle qu’on l’a mis au secret »
Un autre homme était lui plus hardi.
« Depuis la proclamation de la République, un jeune homme de vingt-cinq à trente ans, portant un uniforme se rapprochant de celui le franc-tireur, et s’étant recommandé de Rochefort, exerçait les fonctions de secrétaire de M. Etienne Arago, maire de Paris. Cet individu, coiffé d’une casquette galonnée d’argent, se faisait servir des repas les plus confortables, donnait l’ordre aux employés de l’hôtel de ville de lui préparer un bain ; enfin, il en prenait tout à son aise. Une parole imprudente, lâchée dans un moment de vivacité, l’a trahi.
On l’a arrêté, et l’on a constaté que cet étranger était un espion soudoyé par la Prusse. »
Le 21 septembre, le Petit Journal apporte une nouvelle anecdote :
« On a arrêté aujourd’hui, à Vanves, un espion prussien, déguisé en gendarme. Il a été conduit par les quais à la préfecture de police.
Son escorte a eu besoin de beaucoup d’énergie pour le préserver de la fureur de la foule.
L’uniforme de l’espion était parfaitement exact ; c’est par un simple hasard qu’on a pu le reconnaître. Le faux gendarme a, dit-on, avoué sa qualité de Prussiens. »
Ainsi qu’on peut le voir, l’espionnage était une véritable pratique des Prussiens, avec des stratagèmes plus ou moins fins.
Sources bibliographiques :
- Le Petit Journal du 9 septembre 1870
- Le Petit Journal du 16 septembre 1870
- Le Petit Journal du 19 septembre 1870
- Le Petit Journal du 21 septembre 1870