Les infiltrations du quai de la Tournelle lors de la crue de 1910
Les infiltrations du quai de la Tournelle lors de la crue de 1910 transformèrent le quartier en petite Venise
Situé en face de l’île Saint Louis, le quai de la Tournelle longe la Seine du côté de la rive gauche. En 1910, son tracé était plus grand, allant du pont de Sully, au-delà du pont de l’Archevêché, dont la dernière portion correspond au quai de Montebello actuel.
Comme on s’en doute, cette position fit du quai une position en bien mauvaise posture lors de la montée de la Seine au cours de la crue de 1910.
Les bas ports sont atteints
Le mouvement ascensionnel de la crue démarre véritablement le 18 janvier 1910. Gonflée par les pluies, ruisselant sur un sol saturé d’eau, la Seine monte à un rythme rapide.
Cette situation fait que les bas ports sont vite inondés, comme le signale le 20 janvier 1910, la Petite République.
« Si les pluies continuent, la crue va devenir inquiétante.
La Seine commence à donner de sérieuses inquiétudes aux ingénieurs du service de la navigation. Déjà, elle atteint le point auquel elle s’élevait il y a un mois. En plein Paris, de la Concorde aux Tournelles, elle affleure les bas ports. »
Un quai touché par les infiltrations
Comme dans de nombreux endroits, le sous-sol du quartier du quai des Tournelles se retrouve submergé d’eau. Les infiltrations touchent principalement les conduits souterrains et notamment les égouts. Aussi, c’est d’abord par des trous dans le sol que l’eau envahit la chaussée avant de dépasser le niveau des parapets du fleuve.
Le 25 janvier 1910, le Radical écrit :
« Quai de la Tournelle, à la hauteur de la rue de Bièvre, l’eau filtrait, vers cinq heures du soir entre les pavés de la chaussée. »
Un quartier entièrement touché
Dans son édition du 27 janvier, le Petit Parisien s’attarde sur la situation sur le quai de la Tournelle. Le ton est ici beaucoup plus grave
« La situation, très grave sur ce point à six heures du soir, s’est encore dégradée quelques heures après… »
Le journaliste poursuit :
« Le quai, où l’on passait encore avec facilité dans la journée, a été envahi par les eaux d’égout, sur une longueur de plus de cinq cent mètres.
Toute une partie de ce vieux quartier est sous l’eau… »
Le quartier est devenu soudainement une nouvelle Venise
« A dix heures du soir, le spectacle que présentait ce coin si pittoresque du Paris d’autrefois était lugubre. Les rues des Grands Degrés, de la Bièvre et du Haut Pavé étaient transformées en lagune, et les conduites de gaz étant rompues, le sauvetage s’organisait sous les yeux d’une foule morne et silencieuse, aux tremblotantes clartés de lanternes à huile. »
Des bateaux avançant dans la nuit et la brume
« Plusieurs bachots, péniblement mis à flot, circulaient avec lenteur et servaient à transporter les matériaux nécessaires à la construction de quelques passerelles, cependant que de nombreux citoyens, dans l’eau jusqu’au ventre, tentaient d’aveugler avec des pavés amoncelés les bouches d’égout.
Pour comble de malchance, une brume épaisse vint tout à coup voiler la lune et l’obscurité, mal combattue par les avares lueurs des lanternes de démolitions, ajouta à l’horreur de la situation.
Les gardiens de la paix trop peu nombreux multipliaient les efforts pour aider les habitants des rez-de-chaussée et des boutiques pour évacuer leurs logis envahis. »
Dans ce décor, les habitants fuient !
« La scène était navrante. De pauvres gens sanglotaient en quittant leurs humbles demeures et demandaient à leurs sauveteurs où ils pourraient se réfugier. Quelques uns de ces infortunés, ne sachant à qui demander rentrèrent dans leurs maisons menacées… Les autres furent hospitalisés dans les hôtels du quartier. »
Les premières craintes de déflagrations
Le 28 janvier, le petit Parisien rapporte que certains immeubles deviennent particulièrement critiques :
« Dans la nuit, subitement, les eaux se sont mises à jaillir sur le quai de la Tournelle par une bouche d’égout.
Les maisons portant les numéros 69 et 71 du quai de la Tournelle sont évacuées ; l’immeuble portant le numéro 4 de la rue de Bièvre menace ruine ; les habitants, saisis de panique vont chercher gîte ailleurs. »
Les magasins sur le quai sont touchés. Des pharmacies ont une partie de leurs locaux impraticables. On observe brûler de la chaux au contact de l’eau.
Sources bibliographiques :
- La Petite République du 20 janvier 1910
- Le Radical du 25 janvier 1910
- Le Petit Parisien du 27 janvier 1910
- Le Petit Parisien du 28 janvier 1910
- Le Matin du 29 janvier 1910