L’inondation de la rue Saint Honoré par la crue de 1910
L’inondation de la rue Saint Honoré : quand une grosse rupture d’égout menace six immeubles d’effondrement…
Pas exactement située sur le bord de la Seine, la rue Saint Honoré se pensait protégée des assauts de la Seine lors de la crue de 1910 par les bâtiments à proximité. Le Louvre notamment devait barrer la route.
C’était sans compter avec les égouts qui la croisaient. En effet, ce réseau fut un des principaux points faibles de la capitale lors de la crue. Les eaux de la Seine montante se retrouvaient en pression à l’intérieur des conduits. Cela aboutit à plusieurs ruptures, inondant plusieurs quartiers de Paris. Ce fut le cas de la rue Saint Honoré.
Une première rupture qui inonde un chantier
Le 25 janvier 1910, le Radical rapporte la situation suivante :
« Par suite de la rupture d’un égout à l’angle de la rue Richepanse et de la rue Saint Honoré, les eaux ont envahi un chantier en construction. »
Le journaliste fait alors part des premières inquiétudes.
« On craint pour la solidité des maisons et on a prévenu les locataires des maisons de se tenir près à déménager. »
Le lendemain, la Lanterne poursuit :
« Par suite d’une rupture d’un égout, rue Saint Honoré, à l’angle de la rue Richepanse, les eaux envahissent le chantier d’une maison en construction. Les habitants des maisons avoisinantes sont invités à se tenir prêt à déménager et la circulation est interdite. »
Crevaison de l’égout le 26 janvier avec beaucoup plus de conséquences
Le 27 janvier 1910, le Matin rapporte les faits suivants :
« A deux heures, l’égout passant à l’intersection des rues Saint Honoré et Saint Florentin à crevé, ainsi que la conduite de la Vanne et une galerie, en construction pour les services électriques. La chaussée s’est effondrée sur toute la largeur de la rue Saint Honoré et sur une longueur de plusieurs mètres. L’égout apparaissait au jour. On voit son flot bourbeux s’écouler rapide. »
Le Petit parisien poursuit :
« Subitement, hier, vers midi, la chaussée s’entr’ouvrait, rue Saint Honoré, presqu’à l’angle de la rue Saint Florentin et de la rue Richepanse, à la hauteur du numéro 412.
Une excavation de cinq mètres de diamètre, profonde de trois mètres, occupait presque toute la largeur de la rue. Travaillées par les pluies, par les infiltrations de la Seine, dont le niveau actuel se trouve supérieur à celui de la rue, à cet endroit, les terres avaient glissé, envahissant un égout rompu sous leurs poids, ainsi que le chantier du Nord Sud, dont les travaux se poursuivaient également sous la rue Richepanse et sous la rue Saint Florentin.
Une canalisation d’eau de source crevait à son tour, et, au fond du trou béant, les terres minées glissaient encore. Le danger était grand dans cette artère si fréquentée de Paris, et les agents de service rue Royale et dans les alentours établirent d’eux même immédiatement les barrages nécessaires afin de prévenir la catastrophe. »
Paniques et premiers sauvetages.
Les premières réactions sont alors la panique mais aussi l’organisation de sauvetage, comme l’écrit le Matin.
« Un commencement de panique gagna les habitants des maisons voisines. Les boutiques fermèrent leurs devantures. Aux fenêtres se montrèrent des faces d’anxiété. L’effondrement allait-il s’aggraver ?
Cependant l’alarme était donnée. Des agents barrèrent les abords de la crevasse. Les pompiers, sous la direction du colonel Vuilquin en personne arrivèrent en hâte et procédèrent aux premières opérations de sauvetage.
On songea avant toute chose à préserver les maisons avoisinantes. Les locataires des immeubles 371 et 408 de la rue Saint Honoré furent invités à évacuer sans retard leurs appartements. »
« Tandis que l’on prévenait M. Murat, officier de la paix, M. Blondeau, commissaire de police du quartier, la préfecture de police et de la Seine, les pompiers mandés en hâte, se rendaient sur les lieux. » explique le Petit Parisien.
Des craintes que les immeubles s’effondrent.
Le Matin complète ensuite avec les inquiétudes autour des immeubles situés dans la rue
« Un immeuble situé en face du lieu de l’effondrement, et qu’on allait démolir, inspire de graves inquiétudes. Les fondations sont menacées. On redoute de le voir s’écrouler d’un instant à l’autre. »
Le journaliste explique leur fragilité.
« Le sous-sol, à cet endroit, est fort périlleux. Il est creusé de toutes parts. Déjà, il y a dix huit mois, la maison située au coin de la rue Richepanse, en face de l’immeuble menacé avait failli tomber en ruine. Il fallut l’étayer en toute hâte, puis l’évacuer. Actuellement on l’a jetée bas et on s’apprête à la reconstruire sur de nouvelles fondations. »
Le Petit Parisien poursuit :
« Les maisons portant les numéros 271, 273, 404, 412 et 414, rue Saint Honoré se trouvaient gravement compromises. On conseille aux locataires de les évacuer sur l’heure. M. Bonnier, architecte voyer en chef de la Ville de Paris, vint bientôt après, prendre la direction des travaux.
Tenter d’étayer les immeubles menacés était inutile, la chaussée détrempée ne pouvant supporter le poids d’un échafaudage.
Du reste, la dépression constatée en face des numéros 5, 7 et 9 rue Richepanse, de même que, rue Saint Florentin, en face du ministère de la Marine, était de nature à justifier toutes les inquiétudes.
L’affolement était tel, dans le quartier, que la plupart des locataires des maisons voisines des immeubles menacés, abandonnèrent leurs appartements, empilant à la hâte dans des autos les objets les plus précieux.
Enfin, dans la soirée, l’eau gagnant les n°5 et 7 de la rue Richepanse, ces immeubles doivent être évacués en hâte.
Il ne parait pas possible de protéger les immeubles. On doit donc se borner à attendre les évènements, après avoir pris toutes les mesures de sécurité indispensables. »
Bouclage du quartier, jusqu’à la rue Royale
Pour éviter tout accident, on ferma rapidement la circulation dans le quartier, comme l’indique le Matin.
« Aussitôt après l’accident, la circulation a été interrompue dans la rue Saint Honoré, entre la rue Cambon et la rue Boissy d’Anglas, dans les rues Richepanse et Saint Florentin. La rue Royale est barrée. Les voitures, les omnibus, les autobus passent par la rue Boissy d’Anglas.
Ce coin de Paris, si animé, si élégant d’ordinaire, a un aspect d’une morne tristesse.
Divers autres points de Paris ont été le théâtre d’accidents analogues ».
Aucun parisien ne pouvait se considérer à l’abri de ce fléau.
Sources bibliographiques :
- Le Radical du 25 janvier 1910
- La Lanterne du 26 janvier 1910
- Le Matin du 27 janvier 1910
- Le Petit Parisien du 27 janvier 1910