L’inondation de la ligne de chemin de fer des Invalides par la crue de 1910
L’inondation de la ligne de chemin de fer des Invalides par la crue de 1910, au-dessus des murs de protection
C’est dans la seconde moitié de janvier 1910 que se déroula avec une grande rapidité la célèbre crue centennale.
Longeant la Seine, la ligne de chemin de fer des Invalides se retrouvait directement impactée. A cette époque, la ligne C du RER, qui en partie suit son tracé, n’existait pas encore. Cependant, le chemin de fer suivait la Seine entre les gares d’Austerlitz et d’Orsay, puis à partir des Invalides jusqu’au pont Rouelle. Cette voie reliait ensuite avec la petite ceinture et Saint Lazare.
Située plus en amont, la ligne Austerlitz et Orsay fut touchée plus vite par la montée des eaux. La ligne des Invalides fut à son tour rattrapée.
Premières inondations dés le 22 janvier
A partir du 18 janvier, la Seine monta vite. Très vite d’ailleurs. Aussi, dans son édition du 23 janvier 1910, le Figaro écrit :
« La voie électrique du chemin de fer de l’Etat qui part de la gare des Invalides a été inondée en plusieurs endroits, notamment entre Javel et le pont de Passy, puis entre Passy et Grenelle. Il en est résulté d’abord des retards forts importants. »
Au cours de cette journée du 22 janvier, on tenta tout de même de poursuivre la circulation, coûte que coûte. Voici ce qu’écrivit le même jour, le Petit Parisien :
« Sur les lignes des Invalides à Versailles, la traction à vapeur a dû être substituée à la traction électrique, l’eau ayant envahi la voie et occasionnant des courts – circuits extrêmement dangereux. »
Toutefois, cette solution de repli ne pouvait pas durer, face à la montée inexorable des eaux. La conclusion tomba, dans les colonnes du Figaro :
« Et puis, à neuf heures du soir, le service a dû être totalement interrompu. C’est en vain qu’on avait essayé de faire fonctionner des pompes. »
Réorganisation du service à la gare des Invalides
La Seine continuant de monter, il fallut revoir totalement le service pour le 23 janvier, comme le décrit le Petit Parisien :
« A la Gare des Invalides, le service est suspendu
Dans la soirée, les eaux ont continué à envahir les voies de la ligne de Paris Invalides à Versailles, près de la gare du pont de Grenelle.
Le service de la gare des Invalides est suspendu.
Les trains express de grande ligne (Granville, Rennes, Angers) auront leur point de départ et d’arrivée reportés à la gare de Paris Saint Lazare.
Les trains omnibus de grande banlieue (Rambouillet, Chartres, Dreux, Verneuil) sont reportés, au départ et à l’arrivée, à la gare de Paris-Montparnasse.
Le service de petite banlieue de la ligne de Versailles rive gauche à Paris est limitée à la halte de Javel.
Tentatives de poursuite du trafic
On tenta tout de même de faire repartir le trafic. Tout d’abord, comme le signale le Radical du 25 janvier 1910, on eut recours fortement aux pompes pour faire partir l’eau.
Ensuite, pour éviter que l’eau de la Seine ne passe au-dessus des murs, on chercha à les élever davantage avec des sacs de ciment.
Toutefois, à chaque heure qui passait, les infiltrations se faisaient plus fortes et nombreuses.
« A partir de la bifurcation de la ligne de Saint Lazare, les voies qui se dirigent sur Javel disparaissent sous une masse d’eau profonde de deux mètres. Très probablement, les trains de Saint Lazare- Invalides devront s’arrêter aujourd’hui. »
La gare des Invalides n’est pas encore complètement envahie, mais les infiltrations deviennent de plus en plus fortes. Les voies 11 et 12 contre le quai, sont submergées dans la gare même, malgré les pompes qui ne cessent de fonctionner. Toutes les autres voies commencent à disparaître. Dans les ateliers de réparation sous le tunnel des Invalides, il y a 1 mètre d’eau ; précipitamment, les ouvriers bouchent les soupiraux qui laissent passer d’énormes paquets d’eau.
A la sortie du tunnel, les voies sont à ciel ouvert ; l’eau passait déjà par-dessus le revêtement du mur à une heure ce matin ; sur les voies, il y avait 0m.80 d’eau. Naturellement, les trains des Invalides – Saint Lazare ne pourront circuler aujourd’hui. »
Une ligne totalement inondée à partir du 26 janvier
Le pic de la crue n’était pas atteint. Les jours passant, les eaux s’engouffraient plus en profondeur dans le quartier de Javel, au-delà de la ligne des Invalides. De fait, rapidement, il ne fut plus possible de distinguer la ligne du reste du fleuve. La Seine était devenue tellement haute.
Le 27 janvier 1910, le Matin rapporta :
« Toute la gare du Champ de Mars n’était qu’un cloaque jaunâtre où, vers quatre heures, une fauve lueur de soleil allumait des reflets de pourpre ternie. Et comme par dérision, de la tranchée du chemin de fer des Invalides, inondée et confondue avec le fleuve, émergeait seule la pancarte prudente : ‘Défense de monter pendant que les trains sont en marche’. »
Le cataclysme avait totalement submergé la ligne des Invalides. Dans quel état allait-on récupérer les installations une fois l’eau descendue ?
Sources bibliographiques :
- Le Figaro du 23 janvier 1910
- Le Petit Parisien du 23 janvier 1910
- Le Radical du 25 janvier 1910
- Le Matin du 27 janvier 1910