L’horrible vision des voyageurs arrivant gare Saint Lazare lors de la crue de 1910
L’horrible vision des voyageurs arrivant gare Saint Lazare lors de la crue de 1910 : un silence effroyable !
Dans le cas d’une forte crue de la Seine, pour un observateur non averti, le quartier de la gare Saint Lazare ne semble pas être bien concerné par les inondations. C’est sans compter sur le tracé d’un ancien égout, une rivière souterraine comme le décrit l’historien du XIXe siècle, Edouard Fournier. Ici, pendant plusieurs siècles coula l’égout médiéval apportant l’eau des collines du nord de Paris, après avoir été dérivé près de la Bastille.
Ici, aussi, passait un très ancien bras de la Seine ! Et quand elle monte, l’eau retrouve avec vigueur ses anciens chemins.
De ce fait, pour les voyageurs venus de banlieue et arrivant en train à la gare Saint Lazare au cours de cette dernière semaine de janvier 1910, la vision était apocalyptique. Récit par le Petit Parisien du 27 janvier 1910
Arrêt de la circulation en face de la gare
« La place du Havre et les rues qui y aboutissent : rue du Havre, rue Saint Lazare, l’angle de la rue d’Amsterdam présentent des aspects des plus désolants.
Aucun véhicule n’étant admis à circuler entre la rue de Rome et la rue Caumartin d’un côté, et entre la rue de Provence de l’autre, tout bruit provenant du passage des voitures a cessé… Le silence du passage le plus absolu, le plus angoissant règne sur toute cette partie du centre de Paris, hier encore la plus animée et la plus gaie. »
Une foule passant en silence
« Ce silence des choses s’étend aux êtres humains… Le va-et-vient incessant des passants se produit avec lenteur, pas de moindre éclat de voix ne s’élève de cette foule qu’on sent sous l’emprise d’une inexprimable appréhension. Parmi ces passants, le plus grand nombre sont des voyageurs venant de la banlieue ou s’y rendant… Tous portent sur le visage une empreinte de tristesse mêlée de pitié qui gagne ceux, plus rassurés qu’ils croisent.
C’est que tous les habitants de la banlieue ouest de Paris sont plus ou moins menacés par le fléau ou par les conséquences prévues et plus encore par celles qu’on ne saurait prévoir.
Malheureusement cette impression pénible, au lieu de s’effacer, à leur arrivée à Paris, prend un caractère plus aigu encore lorsqu’à leur descente du train, en se répandant dans les cours de la gare Saint Lazare, ils sentent l’arrêt presque complet de la vie dans ce coin toujours si vivant, si fiévreux de la grande cité. »
La place du Havre : un chantier pris par la neige et les eaux
« Ce vaste chantier ouvert au milieu de la place du Havre que domine ce puissant pont roulant, maintenant inactif, abandonné, où pas un ouvrier ne s’agite , vous fait songer tout de suite que… ailleurs, nombre d’usines, de chantiers ont été également obligés de cesser tout travail… Et sur tout cela, la neige étend, lentement, son manteau d’ouate.
Puis au fur et à mesure qu’on avance sur la voie publique, la crainte vous envahit en voyant toutes ces barrières, faites de cordes tendues, défendant l’approche sur tant de points à la fois, en prévision d’un accident possible.
Car, en dépit de toutes les mesures prises par les ingénieurs, la situation, dans ces parages, devient d’heure en heure réellement inquiétante. »
La pression du risque d’éboulement
« L’eau monte dans les égouts, dans les souterrains, monte toujours…
Des éboulements – le terrain étant extrêmement sablonneux – peuvent se produire d’un instant à l’autre. Où cela ? … Personne ne peut le prévoir. On surveille… On guette… On attend. »