La gare d’Orsay inondée
La gare d’Orsay inondée par une Seine en crue, passant au dessus des soupiraux du tunnel qui longe le fleuve.
Dés le 21 janvier 1910, soit trois jours après le début de la montée de la Seine, aboutissant à la célèbre crue centennale, le tunnel du chemin de fer entre les gare d’Orsay et d’Austerlitz est inondé. On doit alors fermer le service, au grand dam des travailleurs venus de banlieue.
Les jours passent et la Seine monte. Alors le tunnel est de plus en plus inondé, arrivant à un moment au plafond de la galerie. Comme on peut l’imaginer, l’eau fait son entrée à l’intérieur de la gare.
La gare d’Orsay envahie par les eaux
Voici le titre d’un article du Petit Parisien du 23 janvier 1910 ! Il a en effet pas fallut attendre longtemps pour que l’eau remonte dans les voies du chemin de fer. La Seine monte et la galère pour les voyageurs s’amplifie.
Le journaliste écrit : « La gare d’Orsay présentait hier soir un aspect lamentable. Il ne reste plus pour surveiller l’immense bâtiment et le matériel que quelques employés et un sous-chef de gare. Sous la conduite de ce fonctionnaire, nous avons pu nous rendre compte de l’importance des dégâts causés par l’inondation.
Les eaux qui, le matin, envahissaient les voies à la gare du pont Saint Michel, coulent librement entre celles de la gare d’Orsay.
Vers dix heures et demie, elles ont envahi les chaufferies des bouillottes qui fonctionnaient encore. »
On sauve tout ce qu’on peut
Comme on peut s’imaginer, il y a dans une gare beaucoup de choses qui n’aiment pas l’eau… comme les moteurs et les sièges, par exemple.
‘ »Des employés travaillaient hâtivement à démonter les moteurs électriques installés sous les quais. Déjà, quelques-uns de ces moteurs, touchés par les eaux, sont irrémédiablement perdus. Perdues aussi, la plupart des toiles roulantes servant au transport des colis. A la gare d’Orsay, deux pompes aspirent l’eau sans arrêt et la rejettent dans les égouts voisins. »
« Les cinq pompes qui fonctionnaient au quai de Conti viennent de cesser leur service, l’eau qui atteint une hauteur de 80 centimètres, ayant inondé les moteurs.
A la gare du pont Saint Michel, l’importance des dégâts s’annonce énormes. Des fissures se sont produites dans les murs bordant les voies, de chaque côté, entre les gares du pont Saint Michel et d’Orsay. Par ces fissures qui s’élèvent jusqu’à deux mètres de hauteur, de véritables cascades coulent sans répit sur le ballast. »
Et on essaie de limiter un l’arrivée des eaux !
Tout d’abord, on avait installé des pompes sous le quai de Conti, sans grand succès. Aussi, on dut les arrêter le 22 janvier, après que l’eau est noyé les moteurs.
Avec le temps, le niveau de la Seine atteignait la hauteur des soupiraux, qui d’ordinaire apporte un peu de jour et d’air au tunnel. Aussi, par bateau, des mariniers tentèrent de bloquer l’inévitable en plaçant devant des sacs de ciment…
C’était sans compter la Bièvre, qui apportant un flux important d’eau, alimenta l’inondation grâce aux infiltrations…
Les ingénieurs de la Compagnie d’Orléans n’avaient plus qu’une crainte : que les murs ne cèdent, sous la pression des eaux.
Mais on ne peut plus rien faire
« Dans la gare d’Orsay, où des centaines de rats énormes fuient l’inondation, l’eau monte avec une vitesse de 50 centimètres à l’heure. » En quelques mots le journaliste du Petit Journal du 23 janvier 1910 raconte l’horreur dans la gare.
« Deux rames de wagons et une locomotive à vapeur surprise au moment où elle allait entraîner les derniers wagons disparaissent à moitié sous les eaux ; dans la nuit on avait enlevé les coussins des compartiments.
Tréteaux, planches, pancartes, surnagent pêle-mêle au milieu de cet étang dont le niveau s’élève toujours. »
Sa conclusion est sans appel : « Tout le matériel est perdu : les ascenseurs, les trottoirs mobiles, les moteurs sont anéantis. En bateau, les ingénieurs ont visité les souterrains, qui ne sont plus éclairés que par de simples fanaux. »
L’heure est alors au pessimisme :
« Lorsque la Seine sera entrée franchement par les soupiraux, la nappe d’eau aura deux mètres de plus de profondeur.
Les eaux s’échapperont alors par les soupiraux qui donnent rue de Lille et rue de Bellechasse, dont les chaussées seront complètement submergées.
Lles piliers qui supportent les trottoirs du rez-de-chaussée inspirent des inquiétudes, et si les fondations venaient à céder, tout l’intérieur de la gare où se trouve la salle des pas perdus s’écroulerait.
Même si la crue cessait aujourd’hui : il ne faudrait pas compter que le service puisse reprendre entre Orsay et Austerlitz avant un mois et demi au moins. »
Le lac dans la Gare d’Orsay
Le 25 janvier, le journal le Radical raconte sa visite à la Gare d’Orsay :
« Depuis dix heures et demie du soir, le 24 janvier, la gare d’Orsay n’est plus qu’un vaste lac. La hauteur dépasse 8 mètres ; au fond de ce gouffre, deux trains entiers sont engloutis. »
Dès dix heures, la Seine avait dépassé 8 mètres au pont royal et les sacs de ciment accrochés au grillage des baies du souterrain devenaient inutiles. Les eaux du fleuve s’engouffraient avec fracas dans le souterrain, où faisaient rage les eaux de la Bièvre arrivées par les égouts du boulevard Saint Germain. En quelques minutes, le tunnel fut envahi complètement ; à l’intérieur comme à l’extérieur, les eaux furent au même niveau. Dans la station du pont Saint Michel, l’eau atteignait la voûte.
Dans la gare d’Orsay, où depuis la veille on avait renoncé à la lutte, l’eau monte avec une rapidité extrême, atteignant le plafond des sous-sols où sont les voies.
On comprend donc qu’on ne peut plus rien faire. Toute la gare est sous l’eau. Comme on le constate, la crainte est ailleurs, pour les quartiers au-delà de la gare.
« Sous cette énorme pression, les baies vitrées qui donnent sur la rue de Lille éclatèrent et l’eau s’échappant en bouillonnant forma aussitôt une nappe qui se répandit dans les sous-sols des immeubles en bordure.
Les caves de l’Hôtel du Palais d’Orsay furent complètement submergées ; les machines assurant l’éclairage électrique s’arrêtèrent, ce qui obligea les habitants de l’hôtel à s’éclairer avec des bougies.
Du côté de la rue de Bellechasse, l’eau gicle au travers des pierres du mur comme par les trous d’une écumoire. Des ruisseaux coulent par les soupiraux, et il se peut que cette nuit, le trottoir saute et que les murs s’écroulent.
Ce matin, l’eau recouvrira probablement le rez-de-chaussée de la gare d’Orsay et le quai lui-même.
De tous les côtés, des barrages ont été installés et la circulation est interdite. Les caves de la Caisse des Dépôts et Consignations qui se trouvent à l’angle du quai et de la rue du Bac sont inondés. »