Les gardes de la guerre de 1870
Les gardes de la guerre de 1870 : des forces pour renforcer l’armée régulière et venues de toute la France !
Septembre 1870 ! L’empereur est vaincu et est prisonnier des prussiens. A Paris, les républicains ont sauté sur l’occasion pour proclamer un nouveau régime. Ils veulent poursuivre la guerre.
Cependant, l’armée est alors incapable de s’opposer à l’avancée des prussiens. Aussi, il est rapidement décidé que la bataille de France aurait lieu devant les fortifications de Paris. Il faut donc en urgence rassembler des forces et en constituer des nouvelles.
L’armée se compte
Dans les jours qui suivirent la proclamation de la Troisième République, l’urgence est à l’organisation de la défense. Il est essentiel de se rendre compte des forces disponibles.
En effet, des régiments avaient dû accepter un arrêt des combats à Sedan. Ainsi, de nombreux soldats et officiers ont signé leur retrait des combats et sont eux aussi prisonniers et transporté de l’autre côté du Rhin.
Dans ce contexte, l’armée française encore disponible se rapatrie à Paris pour y affronter les assaillants.
Dans son édition du 7 septembre 1870, le Petit Parisien rapporte :
« Les débris de la glorieuse armée de Mac-Mahon, le corps de Vinoy, les trente mille hommes de troupes régulières casernés à Paris, les cinquante mille hommes de troupes des dépôts, les cent mille hommes que compte déjà l’armée de Lyon, les deux cent mille mobiles appelés à Paris, les cent cinquante mille gardes nationaux qu’on achève d’armer, et les régiments de nouvelle formation douaniers et forestiers, se concentrent sous nos murs, dans les forts et sur les remparts.
Avec tout le disponible en munitions, ces forces doivent tenir devant et dans Paris le temps nécessaire pour permettre de réunir les hommes de 25 à 35 ans, en tout six cent mille hommes dont trois cent cinquante mille anciens soldats.
Et c’est cette armée-là qui viendra balayer enfin ce que Paris aura laissé de Prussiens vivants. »
On pouvait compter aussi sur des francs-tireurs, des hommes en armes qui s’étaient mobilisés tout seul… des mercenaires en quelque sorte.
La garde nationale : une force supplémentaire à l’armée
La stratégie est la suivante : Se battre devant Paris pour retenir et épuiser les forces prussiennes ! Ainsi, il devait être possible de reconstituer des bataillons en provenance des départements français, loin des assaillants.
Cependant, l’armée régulière, comme nous l’avons vu juste avant, ne suffit pas. Le gouvernement de défense national constitue à partir des citoyens en capacité de se battre, des troupes supplémentaires : c’est la garde nationale. On fait appel au patriotisme pour cette constitution !
Aussi, la garde nationale reprit l’organisation prévue par une loi de la Seconde Républicaine et abrogée par l’Empire. Cela aboutissait à 60 bataillons. Elle était alimentée par des recrues venues de toute la France.
La constitution de la garde sédentaire
En outre, on composa une nouvelle garde, dite sédentaire, constituée elle aussi de 60 bataillons comprenant chacun 1 500 hommes et divisés en 8 compagnies. Elle était approvisionnée par des parisiens et des habitants du département de la Seine. On veillait à ce que chaque arrondissement apporte le nombre de soldats en lien avec leurs listes d’électeurs. Sur nomination du maire de Paris, une commission de 16 citoyens par arrondissement était chargée de répartir les gardes entre les bataillons.
Avec l’arrivée de ces nouveaux soldats, il est rapidement nécessaire de les organiser dans leurs différents régiments.
La situation étant particulièrement pressée, il n’était pas possible de tester ces soldats d’une part et de les former de manière poussée d’autre part. Aussi, dans une logique républicaine et d’égalité, les officiers furent désignés au sein des régiments par le biais d’élections.
La logistique était bien sûr clef. On équipait les nouvelles recrues des fusils utilisés alors par l’armée : les Chassepot.
Il fut aussi prévu qu’une indemnité de 1,5 franc par jour serait données aux gardes n’ayant d’autres ressources que leur travail.
Arrivée de tous les départements des soldats de la garde nationale
Le 10 septembre 1870, on pouvait lire dans le Petit Journal « Les voitures armoriées et les équipages opulents cèdent le haut du pavé aux chariots chargés de boulets et d’obus, aux lourds véhicules qui transportent les armes, les munitions, les approvisionnements.
Aux gares, les trains se succèdent d’instant en instant, amenant de tous les points de la France matériel et défenseurs, et dégorgent sur nos grandes voies d’interminables files de soldats cavaliers, fantassins, artilleurs et surtout gardes mobiles des départements, vaillamment accourus pour défendre la capitale.
Avant-hier, c’étaient trois mille Bretons, à la solide carrure puis des enfants de la Normandie ; dix mille jeunes gens venus des bords de la Marne, ceux-ci reconnaissables à leur blouse grise portant à l’épaule une large patte rouge.
Hier, c’étaient les gares du Nord et de l’Ouest qui nous apportaient les plus nombreux contingents. Aujourd’hui, le défilé continue de plus belle, et nos maisons, momentanément transformées en casernes reçoivent tous ces braves enfants de la province, que couvrent les uniformes les plus divers, mais qu’anime un sentiment unique l’ardeur courageuse du combat.
Et, à peine débarqués dans nos rues, ils sont entourés, guidés par une population sympathique.
Comme tous ceux qui, pour la première fois, foulent le sol de la grande ville, ces jeunes gens ont pour les splendeurs nouvelles qui les entourent des regards de surprise ou de curiosités. »
Rapidement, les jardins de Paris sont envahis par ces troupes : « Aux Tuileries, dont le jardin est interdit au public, les grilles laissent apercevoir de longues rangées de caissons, alternant avec les files des chevaux.
Au Champ-de-Mars, un vrai camp retranché. »
Le logement chez l’habitant
Pour faire face à ce siège, des gardes proviennent de nombreux départements. Se pose rapidement la question de leur logement en ville.
Le maire de Paris, Etienne Arago lance ce message aux parisiens :
« La garde mobile des départements accourt à la défense de la grande cité.
Vous accueillerez comme des frères ces braves enfants de la France, qui viennent partager vos dangers.
Il leur faut un abri : vous leur ouvrirez vos demeures.
Le gouvernement de la défense nationale s’est préoccupé de la charge nouvelle qui vous est imposée.
Cette charge, il a hâte de vous le dire par la voie de votre maire, n’est que momentanée des baraquements vont être rapidement construits pour casernement des gardes mobiles.
Jusqu’à ce que cette installation soit terminée, les gardes mobiles seront logés chez l’habitant, mais seulement chez l’habitant qui peut supporter cette charge. Un examen scrupuleux a été fait à cet égard, et les rôles des contributions ont servi de base au travail de répartition. Votre maire ne pouvait l’approuver qu’après s’être assuré que la plus stricte équité avait présidé à son élaboration.
Chaque garde mobile recevra un billet de logement délivré par le maire d’un des arrondissements ou par son représentant, et indiquant le nom et la demeure de l’habitant chez lequel il devra se rendre.
Ceux des habitants ainsi désignés qui ne pourront accepter la charge réelle du logement, auront la faculté de se racheter. A cet effet, ils devront se pourvoir d’une chambre dans les environs de leur demeure, et en venir faire la déclaration à la mairie de leur arrondissement. Sur cette déclaration, un bon, valable pour huit jours de logement, sera délivré, par un des agents de l’administration, au garde mobile, qui se rendra à l’endroit indiqué. »
Ce fut sous une forme d’impôt que cette organisation fut déployée : « Les habitants ayant un loyer inférieur à 800 francs seront exempts de tout impôt. Ceux payant 800 francs et au-dessus auront à loger un mobile ; ceux payant 1 500 francs et au-dessus, deux mobiles ; enfin, ceux payant 3 000 francs et au-dessus, trois mobiles.
Il convient de faire remarquer que la cote de 800 francs portée sur les rôles des contributions, correspond souvent à un loyer de 1 000, 1 100 francs et quelquefois même davantage. Rappelons, en passant, qu’aux termes de la loi, le logement chez l’habitant ne donne pas seulement droit à un lit, mais aussi au feu et à la lumière. »
Occupation des premiers jours
Outre l’installation des officiers et des premières formations au combat, les gardes nationaux étaient aussi revigorés par des représentations patriotiques.
Le 8 septembre 1870, le Petit Parisien écrit :
« Hier soir à huit heures et demie, une centaine de gardes mobiles sont venus du camp de Saint-Maur et ont planté un arbre de la liberté sur la place de Clichy, en face de la statue du maréchal Moncey.
C’est un énorme peuplier que ces jeunes gens avaient apporté sur leurs épaules et qu’ils ont couvert de lanternes vénitiennes et de drapeaux.
Pendant toute la soirée, la foule a chanté la Marseillaise autour de l’arbre de la liberté. »
Sur la place de la Concorde, de nombreux cortèges se présentaient devant la statue de Strasbourg, pour soutenir les combattants de la ville alsacienne assiégée et résistant aux assauts des prussiens.
Déploiement de la garde mobile
Au fur et à mesure que l’armée prussienne avançait, il était urgent d’installer les hommes à leur poste.
A cette époque, Paris était protégée par de fortes installations. Il y avait, bien sûr, les fortifications entourant la ville. Mais, en outre, des forts avaient été construits, doublant la protection. Il fallait les garnir au plus vite. Ainsi, le 8 septembre, le gouverneur de Paris envoie la garde mobile, issue de la garde nationale y prendre ses quartiers.
La répartition des bataillons dans les fortifications
Le 11 septembre, les soldats connaissent leur affectation autour des fortifications :
« En attendant que nous puissions donner un dénombrement complet des forces parisiennes destinées à la défense de la capitale, voici la composition des neuf premières sections de nos gardes nationales, avec le nom des officiers généraux placés à leur tête
- 1e SECTION- Rempart de Bercy Général Faron. 49e, 56e, 48e, 14e, 53e, 50e bataillons.
- 2e SECTION. Rempart de Belleville. Général Callier. 27e, 30e, 15e, 52e, 54e, 55e, 31e bataillons. 3e SECTION. Rempart de la Villette. Général de Montfort. 29e, 24e, 9e, 10e, 28e, 25e, 23e, 26e bataillons.
- 4e SECTION. Rempart Montmartre. Amiral Cosnier. 32e, 6e, 7e, 36e, 34e bataillons.
- 5e SECTION. Rempart des Ternes. Général baron Ambert. 33e, 2e, 3e, 81e, 35e bataillons.
- 6e SECTION. Rempart de Passy. Amiral de Floriot de Langle. 38e, 4e, 1er, 5e, 12e, 39e bataillons.
- 7e SECTION. Rempart de Vaugirard. Amiral de Montagnac. 45e, 47e, 15e, 17e, 41e bataillons,
- 8e SECTION. Rempart de Montparnasse. Amiral baron Méquet. 19e, 18e, 20e, 16e, 40e, 43e bataillons.
- 9e SECTION. Rempart des Gobelins. Amiral de Challié. 42e, 59e, 21e, 22e, 60e, 44e bataillons. »
Sources bibliographiques :
- Le Petit Journal du 7 septembre 1870
- Le Petit Journal du 8 septembre 1870
- Le Petit Journal du 9 septembre 1870
- Le Petit Journal du 10 septembre 1870
- Illustration : Francs tireurs de Paris réunis à l’école Turgot en septembre 1870 – extrait du Monde illustré du 10 septembre 1870 – Crédit BNF – Retronews