Dunker, illustrateur du Tableau de Paris de Mercier
Dunker, illustrateur du Tableau de Paris de Mercier, dessine une société tendue avec ses différentes strates sociales les unes à côté des autres
Au début des années 1780, Louis Sébastien Mercier propose son Tableau de Paris. Sa présentation, critique, de Paris et de sa société, remporte un grand succès. Pour cette raison, les libraires réalisent régulièrement des rééditions d’abord en Suisse pour en Hollande.
Profitant de cette situation, un éditeur proposa à la vente une série d’illustration du Tableau de Paris. Il fait alors appel à Balthasar Antoine Dunker pour ces gravures.
Une édition partielle illustrée du Tableau de Paris de Mercier
Dans cette édition, l’éditeur souhaite se focaliser sur quelques chapitres, qu’il qualifie « des plus intéressantes ». Il en choisit tout de même une petite centaine. Pour les illustrer, Dunker fera 96 dessins, gravés à l’eau forte.
L’ambition de cette édition partielle du Tableau de Paris de Louis Sébastien Mercier était d’instruire et d’amuser, en s’adressant à ceux qui ont vu Paris, ainsi que les autres.
Qui était Balthasar Antoine Dunker ?
Né en 1746, Balthasar Antoine Dunker était un peintre, graveur, illustrateur et caricaturiste d’origine suédoise. Il fit une partie de ses études à Paris. Là, chez Joseph Marie Vien et Noël Hallée, il perfectionna sa technique de gravure et de dessin. Il participa alors à la reproduction de sujets présentés dans la galerie du duc de Choiseul.
Après son départ de Paris, il partit s’installer à Berne, en Suisse. Il y mourut en 1807.
Rapide présentation de l’édition de 1787
Cette édition de 1787 avait pour objectif de présenter les meilleurs feuilles du Tableau de Paris de Mercier, selon l’éditeur, en les accompagnant d’illustrations.
Pour ce faire, elle se compose de deux parties :
Dans la première, on retrouve l’ensemble des chapitres sélectionnés par l’éditeur, avec leur numéro et leur nom. A la manière de billets autonome, chaque chapitre présente une facette du Paris de la fin du XVIIIe siècle, vu selon les yeux de Louis Sébastien Mercier.
La seconde partie est celle ensuite consacrée aux illustrations de Dunker. On les retrouve les unes à la suite des autres, avec leur numéro de chapitre correspondant.
A noter que cette édition fut réalisée à Yverdon, en Suisse, sur les rives du lac de Neuchatel, en dehors des frontières françaises.
La réédition à Lyon en 1791
Avec la Révolution, le tableau de Paris peut être publié en France. C’est à Lyon qu’en 1791 les illustrations accompagnant le tableau de Paris est mis en vente.
On y retrouve l’introduction de l’édition de 1788, mais le titre a un peu changé : Costumes des moeurs et de l’esprit français avant la grande Révolution à la fin du dix huitième siècle.
Des représentations critiques de la société parisienne du XVIIIe siècle
Le Tableau de Paris de Louis Sébastien Mercier est très critique de la société parisienne qu’il rencontre. Il y évoque les différentes couches sociales qu’il y trouve : la population dans la rue, les artisans, les bourgeois et l’aristocratie. Cette approche se retrouve dans les gravures réalisées par Dunker.
Frontispice et conclusion : il s’agit là d’attirer l’attention en proposant une espérance à la fin.
L’illustration du frontispice est éloquente. On y voit en effet une femme plutôt grosse, coiffée d’une couronne crénelée, faisant une mine épouvantée et râlant. Il s’agit d’une représentation de Paris, reconnaissable avec le bateau au-dessus de la couronne.
En face d’elle, un tableau lui est présenté, avec comme titre « le Tableau de Paris ». C’est un satyre qui le tient, avec ses pieds de boucs et sa couronne de fleur. L’illustration est complétée d’un petit texte : « Rembrunissons nos pinceaux ! Voyons du noir ! »
La dernière illustration de Dunker est quant elle plus positive. Le satyre apparait comme vaincu.
Un homme se dresse, envoyant dans les airs des papiers ailés, portant chacun un numéro de chapitre. Ce vol est éclairé avec la lumière du soleil se reflétant dans un miroir, par une dame se dressant au-dessus d’une colline.
Signe d’espérance pour la transformation de la société, les écrits des lumières voulaient lutter contre les déviances.
Des personnages tendus et des scènes violentes
Avec des visages durs, les artisans travaillent dans leur atelier et échoppes. Aucun sourire joyeux. Leur regard est souvent difficile, laissant imaginer leur volonté de davantage tirer profit de leurs interlocuteurs. La vie est présentée totalement rude, avec des scènes tendues.
En outre, les repas présentés sont bien garnis, mais les convives se précipitent sur la nourriture.
Par ailleurs, la dureté de la vie se retrouve encore plus exacerbée dans la rue. Certaines femmes n’hésitaient à dépouiller des enfants dans la rue. Des vendeurs de peaux à lapins se saisissaient d’animaux trouvés dans la rue. D’autres femmes proposaient leur marchandise avec un visage implorant. On pouvait également se battre pour seulement 2 sols.
Les différentes couches de la société, qui se superposent
D’abord, le roi est présenté sur son piédestal, avec des sujets qui l’implorent. Sur son trône, très en hauteur, il porte les attributs de l’ancienne royauté.
Suivant la situation sociale, les personnages ne sont pas habillés de la même manière. Les aristocrates disposent d’une perruque. A leur service, des domestiques s’occupent de leur maison, sans qu’ils ne les regardent. Afin de pouvoir vivre dans cette société, ils sont formés par des maîtres d’agrément, leur exposant ce qu’il faut savoir. Leurs épouses profitent elles de la vie, s’occupant de leurs petits chiens et se promenant entre elles.
Dans la rue, la vie est beaucoup plus difficile. Les vendeurs de rue se faufilent parmi les passants. Certains profitent d’autres. Dans la Seine, on lave son linge.
Impossible de passer d’une couche à une autre. Les portiers y veillent. Toutefois, on aime jouer un autre rôle. Des enfants aimaient jouer « à la royale ».
Ensuite, la nourriture laissée par les plus riches était mangée par les plus pauvres.
La vie de spectacles
Derrière les gravures de Dunker se montrent également une vie festive tout de même. Le théâtre y est présenté de nombreuses façons avec ses tragédies, ses comédies. On le trouve dans les foires. Le Carnaval, avec sa promenade des masques y est présenté. Les joutes attirent également des spectateurs.
Sources bibliographiques :
- Article du blog de Paris Libris sur Dunker, consulté le 12 mars 2018
- Tableau de Paris, ou Explication de différentes figures gravées à l’eau-forte pour servir aux différentes éditions du Tableau de Paris par M. Mercier. Yverdon (Suisse). 1787.
- Dunker, Balthasar Anton. Mercier Louis Sébastien Costumes des moeurs et de l’esprit françois avant la grande révolution à la fin du dix-huitième siècle en XCVI planches gravées en carricature par un habile maître ; pouvant servir d’appendice au Tableau de Paris. Lyon 1791