La disparition des bateaux-lavoirs
La disparition des bateaux-lavoirs : la marotte recherchée par l’administration mais qui arrive au XXe siècle
Nous sommes en pleine Seconde Guerre mondiale. Les tous derniers bateaux-lavoirs sont encore à flot. Et au regard de l’histoire que nous allons vous compter, ils auront vendu chèrement leur peau.
C’est en effet, une aventure de plusieurs siècles qui s’achèvent alors, depuis les droits donnés par le Louis XIII lors de l’urbanisation de l’île Saint Louis. C’était d’ailleurs que les bords de Seine, amarré sur les quais de cette belle île que les premiers bateaux-lavoirs furent installés.
Une disparition face à un nouveau progrès
Nous aurons, dans cet article l’occasion d’y revenir, mais les bateaux-lavoirs, bien qu’autorisés par les pouvoirs en place, durent faire face à des mouvements d’opposition mis en œuvre par l’administration. Toutefois, ils parvinrent à s’organiser, que ce soit dans une chambre syndicale, mais aussi en faisant relayer leurs positions dans la presse, toujours encline à aider des vestiges d’un Paris qui semble en disparition.
Aussi, les coups d’assaut successifs de l’administration eurent certainement des effets sur la diminution progressive des bateaux-lavoirs.
Mais une autre réalité, plus sournoise, plus progressive, explique davantage leur disparition.
Avec le développement des machines, notamment dans la blanchisserie, le recours au lavage individuel se faisait de plus en plus rare. Les lavandières professionnelles avaient de ce fait de moins en moins de travail. Elles étaient des clientes très régulières de nos bateaux-lavoirs.
Ensuite, les populations les plus pauvres qui ne pouvaient se passer de ces installations pour laver leur linge étaient de moins en moins nombreuses dans le centre de Paris. Progressivement les blanchisseries se démocratisaient.
Ainsi, les bateaux-lavoirs étaient victimes de ce qu’un économiste d’aujourd’hui parlerait de destruction créatrice. Voici venu la fin de ces vieux établissements et l’avènement de la machine à laver le linge qui s’installera dans les foyers dans la seconde moitié du XIXe siècle ! C’est vrai qu’il est tout de même plus agréable de placer son linge dans une machine au chaud chez soi, que passer des heures les mains dans l’eau au-dessus de la Seine.
La recherche visant à faire disparaître les bateaux-lavoirs.
Cette histoire mérite à elle seule un article complet. Cependant, en nous référant au Petit Parisien du 22 septembre 1924, ainsi que Paris Soir du 30 novembre 1925, nous revenons sur ce rapide historique :
« Cependant, au cours de ces trois siècles, la suppression des bateaux-lavoirs fut maintes fois décidée. »
Les ennemis arrivèrent très vite, soit un demi-siècle après les premières installations :
« En 1684, les habitants de l’Ile tentent de s’opposer au stationnement des bateaux à lessive le long de leur rivage ; mais le conseil rend un arrêt formel repoussant la prétention des insulaires ludoviciens. »
L’administration prend, ensuite, le relais des riverains pour affronter les bateaux-lavoirs.
« En 1791, ils supportent la contribution foncière.
En 1831, le préfet de police décide la destruction de sept bateaux. Gros émoi chez les « maîtres qui s’agitent tant et si bien qu’on sursoit à toute exécution, nouvelle offensive en 1860. Nouvelle victoire à l’actif de la flotte ! » Le préfet voulait le remplacement des installations anciennes par des nouvelles.
« En 1867, le préfet de la Seine informe M. Marie un descendant direct de l’entrepreneur des ponts de France que la gêne que les établissements de cette nature causent à la navigation et leur aspect disgracieux ont fait décider en principe la suppression de tous les bateaux à lessive ». Il était désormais interdit d’y faire des réparations et les bateaux-lavoirs étaient condamnés à mourir de vieillesse, jusqu’à ce qu’ils fussent réduits à une simple épave vermoulue.
L’annulation de ce décret est aussitôt poursuivie devant le Conseil d’Etat, où l’on évoque à nouveau « l’autorité souveraine » et le contrat de 1623. La requête est rejetée. Mais sur l’intervention de M. Picard, député de la Seine, une nouvelle durée est assurée aux bateaux-lavoirs. L’administration patiente vingt ans, au bout desquels elle brandit à nouveau ses foudres contre les bateaux-lessives « d’aspect désagréable Les prétentions de la vieille dame soulèvent un tollé parmi les capitaines ». On les accuse en outre de constituer un péril pour l’hygiène, une entrave à la navigation.
« Le calme revient ; il dure une vingtaine d’années. » L’offensive reprend en 1885.
« Ce n’est plus, maintenant, sur le mauvais état des bateaux, ni sur la gêne causée à la navigation qu’on attaque la vie des bateaux-lavoirs : c’est au nom de l’hygiène. »
Sources bibliographiques :
- Le Petit Parisien du 22 septembre 1924
- Paris Soir du 30 novembre 1925
- Illustration : bateau lavoir au port Royal par Eugène Atget en 1911 crédit BHVP