Les chirurgiens et les barbiers
Les chirurgiens et les barbiers, ou l’histoire d’une lutte incessante entre deux grandes communautés de santé, entre élitisme protégé par un diplôme et soins de tous
Une communauté qui se structure sous saint Louis au XIIIe siècle
On retrouve les chirurgiens dans le Livre des Métiers d’Etienne Boileau, à la fin du XIIIe siècle.
Six jurés contrôlaient une communauté qui suivant les praticiens étaient répartis entre :
- les maisons du roi ou des seigneurs,
- la faculté de médecine ou les couvents,
- le service public.
Ces jurés s’assuraient de l’honorabilité de ces chirurgiens. Les crimes et blessures devaient être déclarés aux autorités. Aucun praticien ne pouvait soigner et garder en secret quelqu’un qui devait être traduit en justice.
Selon la Taille de Paris de 1292, la ville comptait alors 29 hommes chirurgiens et 8 femmes.
La confrérie était dédiée à Saint Côme et Saint Damien et aurait été fondée sous Saint Louis. Elle était installée dans l’Université, près de l’église Saint Côme, rues de la Harpe et de Saint André des Arts.
Au XIVe siècle, la médecine d’élite prend son envol, en structurant son école
Philippe IV renouvelle les statuts en 1311.
En 1356, les chirurgiens jurés du roi et le prévôt des chirurgiens de Paris se mettent d’accord pour soumettre à l’amende et à la prison, les personnes surprise à pratiquer sans avoir leur examen. A compter de cette date, la profession porta le double nom de chirurgien et de barbier.
Toutefois, en parallèle de cet accord, une école des chirurgiens s’organise dans les locaux de la confrérie, sur la rive gauche, dans l’Université. “Avec une salle très commode pour les démonstrations chirurgicales”, elle devint progressivement un établissement très célèbre et réputé : le collège Saint Côme.
Les séances de formation étaient des cours de sciences pratiques : tous les praticiens avec des niveaux divers y étaient reçus, à la condition de disposer de leur brevet pour pouvoir réaliser des opérations.
A sa tête, quatre personnages la contrôlaient :
- Le premier chirurgien du roi avait la suprématie sur tous les praticiens mais ne pouvait user seul des droits d’examen et d’admission.
- Les deux chirurgiens jurés du roi au Châtelet disposaient d’office mais étaient situés dans l’ordre protocolaire après le premier chirurgien du roi.
- Ensuite, avançait le prévôt des chirurgiens qui était le chef de tous les chirurgiens professeurs ou praticiens de la ville.
Ces quatre personnages composaient la conseil scientifique du collège Saint Côme, auxquels on rajoutait deux docteurs de la faculté de médecine pour composer la commission d’examen. Seuls chirurgiens les plus élevés étaient reçus et pouvaient ensuite travailler dans les maisons seigneuriales et les grands couvents.
A côté de cette communautés d’élite, les barbiers, en nombre beaucoup plus élevé, se chargeaient de la santé de la population, délaissés par l’élite. Davantage sur le terrain, ils étaient éloignés des grandes formations
Les barbiers, de Paris comme du pays, étaient soumis à la juridiction du premier barbier. Cette situation fut installée par les statuts des barbiers en 1371 et renouvelés en 1427.
La longue bataille entre les chirurgiens et les barbiers
L’Université reconnu le collège Saint Côme des chirurgiens en 1436. Toutefois, il fallut attendre 1505 pour l’acceptation de la formation des barbiers. Elle dut renouveler son acceptation des chirurgiens en 1544, à la condition qu’ils acceptent de donner des consultations gratuites une fois par mois.
En 1601, Henri IV prescrit l’acceptation des chirurgiens jurés au Châtelet parmi les anciens élèves du collège Saint Côme (et excluent les barbiers).
En 1634, les barbiers rédigent des nouveaux statuts définissant leurs conditions d’exercice. Cette nouvelle situation aboutit à la fusion des deux corporations en 1655 : les chirurgiens jurés et les barbiers chirurgiens ne deviennent plus qu’une seule communauté, sous la juridiction du premier barbier royal.
Toutefois, cette situation ne fut pas du goût des chirurgiens qui ne voulaient pas être contrôlés par les praticiens soignant tout le monde. Aussi, en 1660, le Parlement de Paris rétablit la distinction. Ainsi, seuls les docteurs du collège pouvaient porter la robe et le bonnet de membres de l’Université.
Le Conseil du roi en 1668 supprima les avantages du premier barbier. Dorénavant, les barbiers furent placés sous l’autorité du premier chirurgien du roi, regroupant de nouveau la communauté. A l’avantage des chirurgiens.
Lors des offices des jurés de la fin du XVIIe siècle, les chirurgiens furent assimilés aux métiers et du payer 36 000 livres. Cette situation aboutit à une nouvelle modifications des statuts en 1699 pour organiser cette communauté redevenue unique.
En 1724, le Parlement demanda à ce que les quatre prévôts et garde de la faculté de médecine devaient présenter leur serment de fidélité le jour de la Saint Luc. En réaction, la faculté rappela l’existence de deux métiers : les chirurgiens qu’elle formait et les barbiers. Le premier chirurgien du roi, La Martinière expliquait en 1743 que le travail exigeait deux types d’hommes : le médecin ayant la science et la direction et le chirurgien manœuvre qui réalisait les opérations, sans avoir accès aux manuels.
Sources bibliographiques