Les bateaux-lavoirs pris dans la Seine gelée
Les bateaux-lavoirs pris dans la Seine gelée : malgré leur forte affluence, ils luttent pour rester à flot !
Le Seine gelée ! Quel spectacle inouï qui appartient aujourd’hui au passé de notre capitale ! En effet, il fallait qu’il fasse en dessous de -10°C pendant au moins trois jours pour que des glaçons n’apparaissent sur la Seine.
En ce mois de décembre 1879, le froid est véritablement infernal. Durant tout le mois, le thermomètre reste en dessous de -10°C. Aussi, outre les graves problèmes et accidents qu’il généra pour la ville de Paris, la Seine vit rapidement passer les glaçons et se recouvre ensuite d’une belle couche de glace solide.
Comme on peut l’imaginer cette situation ne fut pas sans conséquence pour l’activité fluviale. Tout d’abord, les bateaux de commerce durent rapidement cesser leur activité, ce d’autant que la Seine avait amorcé une crue avant les semaines de froid.
Mais sur les quais, des bateaux immobiles étaient solidement amarrés : les bateaux-lavoirs. Eux n’avaient pas vocation à s’éloigner de leur place mais d’accueillir les blanchisseuses et les ménagères pour laver le linge. On imagine que pour ces établissements la situation fut bien périlleuse.
Des bateaux-lavoirs en grande difficulté
Dès les premiers jours de froid, les bateaux-lavoirs devaient veiller aux nombreux débris qui filaient sur la Seine. Elle avait été gonflée par des semaines de pluie et l’eau était montée haut. Pour les bateaux-lavoirs, cela impliquait une vigilance à tout instant, pour pouvoir les rejoindre tranquillement ainsi qu’éviter que des débris flottants ne viennent abimer les coques.
Puis, rapidement, la Seine commença à charrier des glaçons. Tout comme le bois dérivant au gré des courant, les glaçons représentaient des dangers pour la solidité des bateaux-lavoirs. Les journaux indiquent alors que les amarres ont été triplées pour garantir la solidité des attaches. On ne voulait surtout pas d’un accident avec une dérive, dans le fleuve, d’un établissement. Quel mauvais spectacle qu’un bateau-lavoir pris dans les arches d’un pont !
Enfin, lorsque la Seine fut véritablement prise en glace, on chercha à maintenir un accès à l’eau libre autour des bateaux afin de pouvoir continuer à laver le linge. On ne lésina pas sur les moyens ainsi que le signale le Petit Journal le 12 décembre 1879 :
« Le brise-glace doit fonctionner aujourd’hui, autour des lavoirs publics de la Seine, pour ne pas faire cesser le travail.
Un besoin de communiquer sur la sécurité autour des bateaux-lavoirs
En lisant les journaux de la Presse traitant de cet hiver 1879, nous avons été frappés par la nécessité de mettre en avant le travail de l’administration municipale pour assurer la sécurité sur le fleuve. Tout est fait pour maintenir la confiance des parisiens ! Ce même 12 décembre, le Petit Journal poursuit son article en écrivant :
« Le service de la navigation ne néglige rien pour aider les communes suburbaines à se débarrasser de la glace. Comme nous l’avons annoncé, le gouverneur de Paris met à la disposition des communes suburbaines, le nombre de soldats, que la municipalité demandera. »
Il avait écrit deux jours avant :
« Le remorqueur municipal continue ses visites d’inspection. »
Les parisiens se pressent sur les quais pour voir ce qui passe mais aussi se rassurer. Le Petit Journal du 23 décembre rapporte : « Sur les quais, une foule de curieux stationne et regarde des hommes briser la glace autour des bateaux-lavoirs pour laisser couler l’eau. »
Des bateaux-lavoirs qui sont pris d’assaut
Difficile de nous imaginer aujourd’hui l’importance des bateaux-lavoirs. L’équipement de machines à laver à domicile, ainsi que le réseau des laveries automatiques ont fait leur travail dans nos représentations. Mais pour les parisiens à la fin du XIXe siècle, les lavoirs étaient essentiels pour le nettoyage du linge. Ils faisaient appel à des blanchisseuses professionnelles ou pour moins aisés se rendaient directement dans des lavoirs. Les bateaux-lavoirs en faisaient partie.
Du fait du froid, les lavoirs sur la terre durent fortement limiter leurs activités, voire la cesser. Aussi, les besoins se décalèrent sur les bateaux-lavoirs.
Le Petit Journal écrit le 10 décembre :
« La clientèle des lavoirs publics a considérablement augmenté, par suite de la neige. Les blanchisseurs de la banlieue ne pouvant arriver à Paris, les lavandières de la capitale ont vu augmenter le nombre de leurs clients. »
En tout état de cause, aller dans ces établissements devait être particulièrement pénible. Le froid de l’eau, celui de l’extérieur et la nécessité d’y mettre les mains dans une ambiance humide devaient être difficile. Pour certains, la chaleur qu’on y trouvait tout de même devait être un réconfort ponctuel, tout de même.
La préparation de la débâcle
Heureusement que la situation d’une Seine gelée ne s’éternise pas. Mais la fonte de la glace n’implique pas le retour du calme tout de suite.
Avec la fonte de la glace, la Seine se remet en mouvement. Les morceaux de glace disjoints également. Ceux formés à Paris mais aussi en amont déferlent sous les ponts, auprès des quais… L’eau se remet à monter. Aussi, le temps des dangers est toujours à l’œuvre. Aussi, juste avant le dégel ne s’amorce, essentiel pour les bateaux-lavoirs de se préparer !
Au milieu de décembre, un premier signe de dégel semble se profiler.
Le Petit Journal du 13 décembre signale à cet effet : « En prévision de la débâcle, de nombreux ouvriers consolident les bateaux-lavoirs et les établissements flottants. Dans beaucoup de lavoirs, le travail chôme par suite de la congélation, mais les ouvriers cassent partout la glace, pour pouvoir, recommencer le travail. »
Mais c’est en réalité une fausse alerte. Le froid repart de plus belle. Il fallut attendre les fêtes de fin d’année pour qu’on voir le mercure remonter.
Alors, le Petit Journal écrit le 1er janvier 1880 :
« En prévision d’une débâcle prochaine, les employés du service de la navigation redoublent de zèle ; ils sont sur pied nuit et jour pour informer les patrons des bateaux-lavoirs et des établissements flottants, de tout danger provenant d’une débâcle imprévue. Aussi, ces derniers ont-ils doublé et même triplé les amarres, pour éviter tout accident. »
Malgré toutes les précautions prises, cette débâcle est très violente. Dans un article dédié, nous rapportons l’histoire des bateaux-lavoirs pris dans cette débâcle. Certains en ressortiront très endommagés.
Sources bibliographiques :
- Le Petit Journal du 10 décembre 1879
- Le Petit Journal du 12 décembre 1879
- Le Petit Journal du 23 décembre 1879
- Le Petit Journal du 24 décembre 1879
- Le Petit Journal du 2 janvier 1880