Les bateaux-lavoirs de l’île Saint Louis
Les bateaux-lavoirs de l’île Saint Louis : les premiers du genre à Paris, installés au début du XVIIe siècle.
Voici une histoire d’un Paris véritablement disparu ! Ce n’est pas un Paris médiéval comme mis en avant par Victor Hugo et les romantiques, mais un Paris datant du XVIIe siècle. A partir de ce moment-là s’installèrent sur les quais de la Seine des bateaux d’un nouveau genre.
Loin de la navigation marchande, ces bateaux visaient à aider à laver son linge. Dans les bateaux-lavoirs, les parisiens pouvaient venir pour nettoyer leurs habits, profitant de l’eau courante directement sur la Seine.
C’est autour de l’île Saint Louis, au moment de son urbanisation, que les bateaux-lavoirs firent leur apparition.
Un droit donné à l’ingénieur chargé de l’urbanisation de l’île Saint Louis
Commençons cette histoire en citant le Petit Parisien du 22 septembre 1924 qui revient sur cette histoire :
« J’évoque les lavandières d’antan, manches retroussées, allant la chanson aux lèvres, étendre leur linge sur les berges de l’île aux Vaches, où les maçons de Marie édifiaient les premiers immeubles. Ce Marie est le père des bateaux-lavoirs. Et aujourd’hui encore, les a maitres » actuels se déclarent ses héritiers directs. Ils le prouvent aussi, ayant leurs titres de noblesse, parchemins jaunis jalousement transmis de successeur en successeur. Et la seule loi à laquelle ils se réfèrent est le contrat passé le 19 avril 1614 entre Louis XIII et Marie, entrepreneur des ponts de France, concédant à ce dernier le droit de ‘mettre des bateaux pour servir à laver des lessives, en telle quantité qu’il sera advisé et en tel endroit qu’il verra plus à propos, lesquels lieux et revenues d’iceux appartiendront audit, ses hoirs ayant cause à perpétuité, sans qu’ores ni à l’advenir ladite faculté ne puisse être concédée à d’autres’.
Ce droit, d’abord donné à de la Grange, secrétaire du roi, fut définitivement restitué à Marie, le 24 juillet 1627. Et deux cent quatre-vingt-dix-sept ans après, les « héritiers » de Marie le revendiquent toujours avec véhémence. »
Une première tentative avant celle de Christophe Marie.
Toutefois, Christophe Marie ne fut pas le premier à tenter ce droit, ainsi que le rapporte la Liberté du 19 avril 1935 :
« Nous sommes en 1608. Nous apprenons — et c’est là pour nous, Parisiens, un gros événement — que le roi vient d’accorder au sieur Raymond de Vedel, dit La Fleur, capitaine de charroi de l’artillerie, un brevet qui lui donne le droit d’installer, sur les rives de la Seine, cinquante bateaux avec bancs, planches et selles, « le tout pour servir à laver les lessives ».
Nous n’aurons pas les cinquante bateaux de La Fleur, le prévôt des marchands et les échevins semant opposés à l’exécution du décret royal. Ah mais !… Le roi aurait-il oublié qu’il appartient au prévôt et aux échevins, et à eux seuls, de disposer du « bordage » de la Seine et d’autoriser, par conséquent, l’installation de selles à laver ?…
Ainsi rappelé à l’ordre, le roi s’incline. En compensation. Raymond de Vedel est chargé de l’enlèvement des boues de la ville : ce sera la première entreprise de voirie. La Fleur était, on le voit, promis au nettoyage. »
L’accord passé avec Christophe Marie
« ‘Le noble homme Christophe Marie’ sera plus heureux que le capitaine de charroi de l’artillerie. Il se voit accorder en 1614, le 19 avril très exactement.
Saint-Louis. Il offrait, en outre, de combler le bras de Seine entre l’ile aux Vaches et l’ile Notre-Dame par contrat signe de six conseillers de la cour du roi, le droit d’installer des bateaux a lessive sur la noire de Seine ». Ledit contrat, qui sera ratifie le 6 mai, était en discussion depuis déjà quelques années. Pour 1 obtenir, le « noble homme » avait fait, dès 1611, d’importantes propositions. Il offrait de construire une nouvelle ceinture de quais, de tracer des rues dans les lies, de lancer trois ponts, pour relier, le premier. — ce sera le pont Marie. — l’ile Saint-Louis à la rive droite ; le second. — ce sera le pont de la Tournelle, l’ile à la rive gauche ; le troisième, enfin, l’ile Saint-Louis à celle de la Cité : il sera en aval de l’actuel pont Saint-Louis. Il offrait, en outre, de combler le bras de Seine entre l’ile aux Vaches et l’ile Notre-Dame.
Ces conditions acceptées, on accorde à Marie, non sans quelque tiraillement, tous les terrains de l’ile Saint-Louis, le droit d’installer des bateaux à laver et : celui de construire des maisons sur le pont Marie, en réservant, toutefois, un chemin de quatre toises pour le passage et des moulins sur le pont de la Tournelle. Il pourra, en outre, tendre des filets, ou » guide-eau », en travers des arches de ses trois ponts. Qui, dans ce marché, faisait la bonne affaire ? Nous n’en savons rien. »
Une histoire qui se poursuit ensuite
Ainsi que nous l’avons compris, le projet était d’installer un certain nombre de bateaux. Toutefois, des plaintes eurent rapidement lieu.
« En 1684, les propriétaires de l’ile entendent s’opposer à l’établissement de nouveaux bateaux à lessive, mais un arrêt du 5 octobre 1684 rejette leur prétention.
Les bateaux-lavoirs commencent à faire parler d’eux. De leur histoire, on pourrait tirer un poème héroï-comique dans la manière du Lutrin, en réservant un chant aux bains froids dont Restif de la Bretonne nous dira qu’ils ‘ressemblent à ceux que pourraient avoir de pauvres sauvages’ ».
Les droits furent par la suite transmis à différents propriétaires qui continuèrent à exploiter ces bateaux, non sans difficultés, ainsi que nous le détaillerons dans d’autres articles. On leur reprocha de constituer une gêne à la navigation, de poser des problèmes d’hygiènes.
Il fallut cependant attendre la moitié du XXe siècle pour que ces bateaux-lavoirs disparaissent du paysage parisien.
Sources bibliographiques :
- Le Petit Parisien du 22 septembre 1924
- La Liberté du 19 avril 1935
- Illustration : Bateau lavoir au quai d’Anjou par Eugène Atget en 1912 – crédit BHVP