Les audiences dans le Palais de Justice encerclé par la Crue de 1910
Les audiences dans le Palais de Justice encerclé par la Crue de 1910 : dans le noir, dans le froid… horribles !
Lors de la crue de 1910, le Palais de Justice fut durement éprouvé. D’abord touché par les sous-sols, le bâtiment dut être évacué au niveau du dépôt. Impossible d’y garder les prévenus avant leur interrogatoire et autre audiences.
Ensuite, les différentes cours prirent des allures de piscines froides.
Comme les machines pour le chauffage des pièces étaient dans le sous-sol, rapidement, il fit bien froid dans les couloirs et les salles du vieux Palais. Ensuite, l’électricité fit défaut.
Rapide point de situation au 26 janvier
Dans son édition du 27 janvier, le Petit Parisien dresse la situation des lieux, sous le titre « Le palais de Justice sans feu et sans lumière »
« L’inondation a fait de nouveau progrès au palais de Justice. Non seulement le buffet et le tribunal de simple police sont envahis, ainsi que nous l’avons annoncé hier, mais l’eau a gagné le Dépôt, la Conciergerie, les archives du Parquet, les loges des concierges et elle monte toujours…
Autour de la Sainte Chapelle, elle a plus d’un mètre de profondeur. La cour qui se trouve entre ce monument, le tribunal correctionnel et le petit parquet est devenue un véritable lac. Il est impossible d’accéder au petit parquet et à l’escalier de l’assistance judiciaire.
Une humidité mortelle se dégage de tout le palais. Après les calorifères, c’est le gaz qui s’est éteint : l’électricité fléchit. On a dû recourir aux vieilles lampes à huile et à pétrole.
Avocats, magistrats, plaideurs fuient, sitôt leurs affaires terminées, ce lieu, il y a deux jours encore si animé, devenu un lugubre désert. »
Le lendemain, la situation s’était dégradée encore, comme le consigne le Petit Parisien du 28 janvier.
« Mais les parties qui ont le plus à souffrir sont celles qui se trouvent de chaque côté du grand escalier de la cour de Mai, et un peu en contrebas. C’est là que sont installés, sur la gauche, le tribunal de simple police, sur la droite, le buffet.
Dans l’un et l’autre de ces locaux, l’eau atteint un mètre quarante cinq. Les banquettes du tribunal de simple police flottent sur l’eau jaunâtre, d’où émergent plus que quelques hauts dossiers de bancs de bois.
Au buffet, l’eau atteint le dessus des comptoirs et de la caisse. Chaises, tables, banquettes, bouteilles, fruits flottent à la surface. Un très grand palmier qui était posé sur le sol semble maintenant une plante aquatique. »
Des audiences traitées au plus vite
A l’intérieur du Palais de Justice, l’activité n’est pas au point mort. Mais elle a fortement diminuée. Le Petit Parisien écrit :
« Dans l’intérieur du Palais, la vie semble complètement retirée. Le froid est de plus en plus pénétrant : les audiences sont vides. Un très grand nombre ne peuvent s’ouvrir que très tard. Dans les unes, ce sont les magistrats qui manquent, dans d’autres, ce sont les inculpés qui ne sont pas encore arrivés.
La plupart des affaires doivent être remises, par suite de l’absence des avocats ou des témoins.
Le gaz et l’électricité manquent complètement, les audiences ont été levées de très bonne heure.
Dans les cabinets d’instruction, au parquet, juges et substituts n’ont fait que de courtes apparitions. Les plus héroïques ont fait venir des bougies pour s’éclairer.
De son côté, le Matin complète :
« Au Palais, l’impassibilité professionnelle des magistrats subit une dangereuse épreuve.
Malgré la tenue d’une audience de référé, qui donne d’ordinaire quelques animations à la salle des pas perdus, la vie semblait s’être retirée du Palais.
La plupart des chambres civiles n’ont été ouvertes que durant une heure ou une heure et demie.
Les magistrats de la chambre criminelle de la Cour suprême ont siégé dans la salle de la chambre civile, pour entendre la fin des plaidoiries dans l’affaire des agents de change et de la coulisse.
Quant aux audiences correctionnelles, elles ont été fort rapidement expédiées. Dans l’une d’elles, à une heure de l’après midi, les inculpés, détenus préventivement, n’étaient pas encore arrivés. Ils n’ont fait leur entrée dans le box des prévenus qu’à deux heures.
Le nombre d’inculpés libres et des témoins qui, à l’appel de leurs noms, ne se sont pas présentés, a été grand aux chambres correctionnelles. »
Le cabinet d’un président de chambre correctionnelle servant d’habitation
Un des garçons de la chambre correctionnelle se retrouva sinistré. En effet, sa maison située à Vincennes se trouva inaccessible. Il fut secouru par le président de sa chambre. Le Petit Parisien écrit :
‘Mentionnons la transformation du cabinet du président de la neuvième chambre correctionnelle en chambre à coucher.
Le garçon de cette chambre, M. Bellessort, avait pu, à grande peine, édifier à Vitry, 36, rue Henri Martin, avec ses économies, une maisonnette. Le malheureux garçon, sa femme et ses enfants sont venus se réfugier au Palais de justice où le président de la neuvième chambre a mis son cabinet à leur disposition. »
Sources bibliographiques :
- Le Petit Parisien du 27 janvier 1910
- Le Petit Parisien du 28 janvier 1910
- Le Matin du 28 janvier 1910