Les accidents de péniche du 12 janvier 1910
Les accidents de péniche du 12 janvier 1910 : une série de naufrages entre les ponts du Carrousel et royal…
Au début du XXe siècle, la navigation marchande sur la Seine est cruciale. Bien sûr, depuis de nombreux siècles, la Seine favorise l’approvisionnement de Paris. Mais à cette époque, la navigation est très intense, dynamisant les ports de Paris et de sa banlieue.
La traversée de Paris est alors très difficile. Outre le fort trafic, il y avait les nombreux obstacles à la circulation. Il fallait compter avec les piles des nombreux ponts, ainsi que de nombreuses installations sur la Seine, comme les bateaux lavoirs par exemple.
Aussi, malgré les nombreux travaux entrepris au XIXe siècle pour simplifier la circulation fluviale, il était nécessaire de faire appel à des remorqueurs pour traverser Paris. De véritables trains de bateaux étaient ainsi mis en place.
Par ailleurs, il pleuvait à Paris depuis plusieurs jours. Enfin, depuis plusieurs mois plutôt. Aussi, la Seine était très élevée, avec un courant fort. Certes, en ce matin du 12 janvier 1910, nous ne sommes pas encore dans les grands moments de la célèbre crue, mais les flots sont rudes.
De ce fait, la période est particulièrement difficile pour naviguer.
Ainsi, comme le rapporte le Petit Parisien du lendemain, « quatre péniches chargées de matériaux et que la violence du courant gênait dans leurs manœuvres, ont sombré à quelques minutes d’intervalles, entre le pont des Saints Pères et le pont royal » ce matin là.
Un premier accident à six heures du matin
Dans son édition du 13 janvier 1910, le Petit Parisien écrit :« Un convoi de bateaux, tiré par un remorqueur, remontait la Seine, et suivait la rive droite du fleuve. A l’extrémité de ce convoi, se trouvait un chaland chargé de charbon et appartenant à la Compagnie Havre Paris Lyon Méditerranée. » .
Le journaliste poursuit.
« Le train de bateaux venait de passer sous le pont des Saints Pères et déjà, il traversait la Seine, se dirigeant vers l’écluse de la Monnaie où il allait s’engager,lorsque tout à coup, la dernière amarre, extrêmement tendue se rompit.
Le chaland de la Compagnie H-P L-M s’en alla à la dérive, et poussé par le courant violent alla se projeter contre une pile du pont des Saints Pères. Il s’y brisa, barrant l’arche de la rive droite et une partie de l’arche centrale. »
Impressionnant premier accident, mais aucune victime n’est à signaler.
« Les mariniers qui se trouvaient à bord avaient dés la rupture de l’amarre, comprit le danger qui les menaçait. Ils se jetèrent dans le canot attaché à l’arrière et gagnèrent la rive. Il était temps : quelques secondes plus tard, la péniche sombrait » indique le Petit Parisien.
Le second accident
Ce matin-là, le passage de ces deux ponts était particulièrement périlleux. Aussi, un second accident se produisit une demi-heure plus tard, comme l’indiqua le Petit Parisien.
« Le convoi de bateaux qui remontait la Seine, venait de franchir le pont Royal, derrière son remorqueur, et pour laisser libre passage à un autre convoi, qui celui-là,descendait le fleuve, il s’était rangé sur la rive gauche, en aval du pont des Saints Pères. »
« Un des chalands du train descendant – chaland qui portait des pierres meulières et appartenant à la Société des carrières de Corbeil, vint par suite d’une fausse manœuvre, et entraîné lui aussi par la rapidité du courant, heurter une péniche de la compagnie de la Seine, pleine de pâte de bois, qui faisait partie du convoi garé le long de la rive gauche.
Les deux bateaux, en moins de cinq minutes, s’abimèrent tous deux dans les flots. Les deux équipages eurent le temps de se mettre à l’abri de tout danger. »
Une nouvelle fois ! Très impressionnant mais sans trop de dommages pour les mariniers.
Troisième accident, beaucoup plus inquiétant
Comme le rapporte le Petit Parisien, au moment du naufrage des deux péniches précédentes, « un troisième train de bateaux descendait la Seine. »
« Il arrivait « au droit » de ces deux péniches à l’instant même où elles sombraient.
Les remous des eaux causés par ce double naufrage, fit dévier de sa ligne un des bateaux du convoi descendant et le projeta violemment contre une des piles du pont Royal, où il se brisa et sombra aussitôt. »
Cependant la situation fut plus tendue pour ses occupants.
« Dans ce dernier chaland qui était chargé de sable et appartenait à la compagnie des Sablières de la Seine, se trouvaient les cinq petits enfants du marinier, M. Picherie. Ils étaient couchés et dormaient à poings fermés. Leur père se précipita dans la cale, et, un à un, les ramena sur le pont.
Les pauvres petits, dont l’ainé a huit ans à peine et le plus jeune onze mois, étaient affolés et poussaient des cris déchirant.
Heureusement, des mariniers avaient vu le danger et déjà, avant même que la péniche eut touché,ils avaient mis leur canot à l’eau et faisant force de rames, avaient abordé le chaland. Les petits furent sauvés. »
Plus de peurs que de mal, une fois retrouvé la rive. Mais bon, la petite famille n’était pas tirée si bien que ça.
« Tous ces enfants étaient en chemise et grelottaient de froid. On les conduisit au poste de douane où on les enveloppa dans des couvertures. Puis, M. Euriat, commissaire de police, aussitôt prévenu, envoya chercher des vêtements dans des magasins des nouveautés pour habiller tout ce petit monde de naufragés. »
Restriction de la navigation qui n’empêcha pas un autre incident
Autant de train de bateaux accidentés décidèrent les autorités à bloquer toute la navigation marchande dans la traversée de Paris.Toutefois, « les bateaux omnibus ont pu continuer leur service. »
« Encore les pilotes doivent-ils prendre de grandes précautions pour éviter de nouveaux accidents. C’est ainsi qu’un bateau parisien, remontant la Seine, s’est trouvé pris un moment contre l’arche du pont des Saints Pères et l’un des chalands en garage. L’avant vint heurter la pile du pont et fut sérieusement endommagé.
Il y eut un moment d’affolement parmi les passagers, mais le sang froid du pilote les rassura. Des barques vinrent accoster le bateau et les voyageurs, d’ailleurs peu nombreux, furent ramenés sains et sauf à la berge. »
Décidément, il ne faisait pas bon circuler sur la Seine ce 12 janvier 1910.